L'Association de Réflexion et de Recherche Clinique en Psychomotricité de Lyon et sa Région vise à promouvoir la recherche clinique en psychomotricité par divers moyens notamment : l’organisation de séminaires, colloques, groupes de réflexion. Soutenir des projets individuels ou collectifs de recherche sur la clinique psychomotrice, favoriser et/ou rechercher la collaboration avec des structures à même d’apporter une contribution directe ou indirecte au but poursuivi par l’association et tout particulièrement avec l’Institut de Formation en Psychomotricité de Lyon.
Elle s’adresse à tout psychomotricien désireux d’engager un travail d’approfondissement théorico-clinique, quel que soit son champ d’exercice professionnel ou son référentiel théorique et clinique.
Susciter les échanges, favoriser le débat entre psychomotriciens, soutenir la réflexion et la recherche à propos de la pratique, telles sont les ambitions de l’ARRCP Lyon et région. Dans cet objectif, l’association mise sur l’engagement de ses membres dans une démarche qui consiste à se confronter aux difficultés et aux doutes rencontrés dans la clinique, à approfondir ses intuitions cliniques, à les arrimer à des concepts théoriques, à transmettre et discuter les résultats de ses travaux.

mardi 26 avril 2016

Un aperçu du Café Psychomot' du mardi 5 avril 2016


 
Ce 5 avril dernier, c’est autour de Martin Laîné que nous avons réfléchi ensemble à la particularité de l’espace du cabinet libéral, pour ce troisième et dernier café psychomot’ de la saison 2015-2016 centrée sur la thématique de l’espace en psychomotricité.
Martin travaille en institution auprès de patients polyhandicapés, et en libéral. En parallèle, il est toujours en recherche, appartenant à un groupe d’élaboration sur le polyhandicap, assidu à nos cafés psychomot’, participant au séminaire recherche de l’ARRCP, il est aussi membre actif de son Conseil d’administration.

Martin nous a communiqué hier cette belle énergie qui l’accompagne dans son travail à partir d’une présentation en quatre temps :
1.       L’espace du cabinet n’a rien de particulier, sous-entendu que c’est le point de vue clinique qui prime pour lui et qui pourrait se résumer ainsi : l’espace de la rencontre est le même que l’on travaille en cabinet libéral ou en CMP.

2.       Alice et son monde pas si merveilleux.  Martin se laisse rêver à une jeune patiente de sept ans qu’il reçoit au cabinet, tout d’abord accompagnée de ses parents qui lui disent leur désespoir, puis sans eux, tout en nous livrant de façon romancée, sensible et touchante mais non moins professionnelle l’observation psychomotrice qu’il fait d’elle.  Alice vient consulter en psychomotricité pour des difficultés d’attention alors qu’ « elle est très intelligente et sans doute précoce », disent ses parents. Pataude, ses parents la sur-stimulent pour l’aider à grandir, et se tournent vers tous les professionnels qui pourraient lui venir en aide : professeur d’équitation et de danse, orthophoniste, orthoptiste. Ils demandent conseil à Martin : faudrait-il consulter aussi un ergothérapeute, un neuropsychologue ?

Martin nous décrit tous les efforts de concentration d’Alice durant les épreuves du bilan psychomoteurs et sa peur de se tromper. Ses maladresses sont nombreuses et visibles entre autres dans la marche, la course, l’évaluation des distances, dans les parcours, dans le maniement du « stylo-flamand-rose »... Dans son petit corps, Alice a beaucoup de difficultés à s’adapter à l’espace environnant qui semble trop grand pour elle. Alice semble dépassée, n’arrivant pas à poser son regard, à l’affût de repères rassurants mais en vain.

Son attention labile et le défaut d’adaptation de l’espace corporel d’Alice à l’espace environnant laissent Martin réfléchir à l’aide des écrits de Mazeau et Pouhet qui définissent la représentation spatiale comme égocentrée et allocentrée à partir de trois sous-espaces : l’espace corporel, l’espace de préhension et l’espace lointain. De plus Michèle Mazeau note que « l’orientation du regard est le reflet de l’orientation de l’attention, tandis que de façon circulaire, là où se porte le regard, se porte l’attention. »

Pour mieux réfléchir d’un point de vue neuropsychologique à l’attention labile d’Alice, Martin s’étaye aussi sur les travaux de Jean Piaget et de James Rivière.

3.       Puis Martin pose la question essentielle de la croisée des regards des différents professionnels portés sur Alice. C’est d’ailleurs bien ce défaut d’accordage entre les professionnels qui laisse les parents d’Alice avoir l’impression d’être « ballotés ». En d’autres termes, comment aider Alice à se centrer si,  autour d’elle, les soignants restent dispersés ?

Martin s’appuie sur les travaux d’Albert Ciccone qui préfère le terme de « transdisciplinarité » ou « d’interdisciplinarité »  à celui de « pluridisciplinarité » : « Le travail transdisciplinaire suppose une humilité de chacun, reconnue, tolérée, partagée. L’essentiel de la relation de soin comme de la relation humaine n’appartient pas à une discipline mais dépasse chaque discipline. Seul les points de vue inter ou transdisciplinaires sont compatibles avec la pensée et protègent de l’omnipotence idéologique. »

Et là, l’absence d’organisation institutionnelle qui structure des espaces de rencontres transdisciplinaires manque au cabinet, un point de différenciation notable entre le travail du psychomotricien en institution et en cabinet libéral. Nous citons Martin Laîné : « La pratique de la psychomotricité en cabinet indépendant nécessite une grande énergie pour aller à la rencontre des autres professionnels, organiser les temps de réflexion avec la famille et faire circuler la pensée et les capacités d’élaboration. Le professionnel indépendant organise son travail en son âme et conscience, ce qui demande une certaine rigueur, dans son suivi et ses contacts avec les autres soignants et même souvent de dépasser sa fonction première de clinicien pour coordonner, orienter le patient pour faire avancer la situation. »

4.       Enfin Martin soulève la question de l’argent. Nous le citons : « Le soin psychomoteur est onéreux et très peu remboursé par les différentes instances s’occupant des frais médicaux. La sécurité sociale ne rembourse pas ou très peu le soin psychomoteur et seulement quelques mutuelles prennent en charge quelques séances par an. Des organismes privés, fonctionnant grâce à des fonds publics et organisés sous forme de réseaux en aide aux familles dans le cas de pathologies particulières. La MDPH intervient sur tout le territoire au niveau départemental. »

Si le coût peut être élevé pour les familles, Martin nous invite à réfléchir aux éventuels non-paiements autrement qu’en termes financiers. Pour lui, cela « est un des symptômes d’une alliance thérapeutique vacillante avec le patient ou en tout cas avec sa famille ».

Martin reprend la définition que Bachelart donne de l’alliance thérapeutique : C’est « une notion multidimensionnelle incluant les dimensions de collaboration, de mutualité et de négociation. » Bachelart isole quatre facteurs indépendants :

·         La capacité du patient à venir travailler volontairement en thérapie,
·         Le lien affectif unissant patient et thérapeute,
·         La compréhension et l’implication empathique du thérapeute,
·         L’accord que partagent le patient et le thérapeute concernant le but du suivi.
Et Martin de préciser : « En cas de difficulté au niveau de l’un ou plusieurs de ces facteurs, des espaces peuvent aider le psychomotricien à réajuster un lien patient/thérapeute difficile à développer et à entretenir. Ces phénomènes sont aussi présents pour les psychomotriciens intervenant en institutions mais les symptômes vont se cristalliser ailleurs que sur la question financière. »
A la suite de l’exposé  d’une grande richesse de Martin, c’est un débat passionnant qui nous anime. La parole circule, chacun des participants s’exprimant de façon très active. Et nous ne pourrons reprendre là que certains des points mis en discussion, en nous excusant d’avance de ne pouvoir tout en retracer.
Cécile amène l'image d'une mosaïque dans le soin en libéral et un accent mis sur des symptômes multiples et diversifiés.
Image de papillons et d'éparpillement pour Emmanuelle (Ormazabal) en repensant à Alice et ses parents dans leur parcours.
Emmanuelle (Blanc) qui exerce aussi en libéral, parle du symptôme dans ce qui est troublé. Elle a l'impression que le trouble s'y préciserait de manière délicate.
Nous allons beaucoup échangé autour de la coordination et de la manière dont le patient est indiqué.
Denis ramène la réalité de beaucoup de CMP et du nomadisme dans le soin de certains patients.
Il reprend la notion de transdisciplinarité comme nouvelle car finalement, le savoir ne nous (soignants psy) est plus conféré comme cela, acquis, et vérité absolue.
Un échange ensuite va concerner le psychomotricien qui dans sa fonction et sa formation spécifique est attentif au corps et à la psychoaffectivité, ce qui lui permettrait d'être aussi plus tranquillement réceptif aux liens.
Les mots intermédiaires, liant, permettant la circulation, faire des passerelles...semblent nous parler quand en libéral il y a à porter la communication entre les différents professionnels.
Natacha compare avec l'institution qui est doté de ses propres organisateurs de pensée (réunions, analyse de la pratique, synthèse).
Elle revient aussi sur la question d'Alice à Martin « c'est ta maison ici, il est où ton lit » et sur la personnification du lieu. L'institution fait exister un ailleurs chez le thérapeute et le patient, thérapeute comme patient voient et vivent le lien.
En libéral le fantasme sur l'intime serait peut-être plus important …
Christine parle de l'importance de différencier un espace de rencontre et un espace d'expertise et rappelle combien Martin nous parle de l'accueil d'Alice et non de comment il l'évalue et qui rend compte de comment il sera en lien avec d'autres.
Odile se demande aussi si on n’est pas en train de parler du temps du libéral, qui protège parfois de l'institution aux représentations dévorantes, le temps du début, ou d'un temps secondaire quand le soin institutionnel a épuisé...
Denis et Mathieu ramènent aussi la question de la temporalité, de la suite, du chemin dans l'institution et du passage d'une institution à l'autre où espace et temps se mêlent.

Nous terminons ce débat sur l'argent, le paiement en libéral qui vient symboliquement parler d'investissement et de temporalité avec toutes les questions sur l'absence et le travail de l'attente. 

La mosaïque de nos échanges riches et variés continue à donner toujours forme à nos pensées, à nos envies. 
 
Nous avons aussi dit au revoir à Grégory, qui ne pourra plus nous accueillir l'année prochaine au Chaudron.
               
Cette saison de nos cafés se termine donc et nous allons nous mettre à la recherche d'un nouveau lieu, d'un  nouveau thème  et sommes attentives à toutes vos propositions.               

             Nous sommes ravies de voir comment les cafés psychomot' sont des moments             d'expressions tranquilles et de partage entre différentes générations de psychomotriciens... 

                Bon printemps à vous tous. 

                Odile Gaucher et Natacha Vignon pour l'ARRCP.