L'Association de Réflexion et de Recherche Clinique en Psychomotricité de Lyon et sa Région vise à promouvoir la recherche clinique en psychomotricité par divers moyens notamment : l’organisation de séminaires, colloques, groupes de réflexion. Soutenir des projets individuels ou collectifs de recherche sur la clinique psychomotrice, favoriser et/ou rechercher la collaboration avec des structures à même d’apporter une contribution directe ou indirecte au but poursuivi par l’association et tout particulièrement avec l’Institut de Formation en Psychomotricité de Lyon.
Elle s’adresse à tout psychomotricien désireux d’engager un travail d’approfondissement théorico-clinique, quel que soit son champ d’exercice professionnel ou son référentiel théorique et clinique.
Susciter les échanges, favoriser le débat entre psychomotriciens, soutenir la réflexion et la recherche à propos de la pratique, telles sont les ambitions de l’ARRCP Lyon et région. Dans cet objectif, l’association mise sur l’engagement de ses membres dans une démarche qui consiste à se confronter aux difficultés et aux doutes rencontrés dans la clinique, à approfondir ses intuitions cliniques, à les arrimer à des concepts théoriques, à transmettre et discuter les résultats de ses travaux.

lundi 16 décembre 2019

Un aperçu du Café Psychomot' du 05 novembre 2019



           Pour débuter notre année de réflexion autour du bilan, nous nous sommes retrouvés le mardi 5 novembre au comptoir Béline. C'est Raphaël Vonsensey, psychomotricien en libéral et responsable de formation à l'IFP de Lyon qui ouvre la saison en nous faisant part de son rapport au bilan et de son évolution au fil des ans.

            Raphaël nous avait soumis trois textes en lecture afin de mettre en lumière la dichotomie actuelle entre psychomotricité fondée sur les preuves et psychomotricité relationnelle.  Si le texte de James RIVIERE avait été proposé par Raphaël dans le but de provoquer des réactions de notre part, il nous exprime se retrouver beaucoup plus facilement dans celui écrit par Jérôme BOUTINAUD et All. Toutefois Raphaël exprime que ni la notion de psychomotricité fondée sur les preuves, ni celle de psychomotricité relationnelle ne lui conviennent complètement, s'il y a des éléments intéressants dans chacune d'elle, il est délicat de se retrouver totalement dans l'une ou l'autre vision.

            Raphaël nous propose alors plusieurs des questionnements qui le traversent. S'il est entendable de parler de preuves en médecine voire même dans des rééducations telles que l'ergothérapie, comment faire en psychomotricité ? Comment scientiser une pratique qui ne peut pas l'être ? Cette dichotomie entre deux visions fait aussi écho à celle qui pouvait être présente entre les différentes écoles de psychomotricité qui, selon leur localité, avaient des approches divergentes fondées sur la scientisation ou sur la psychologie. Pourquoi faudrait-il choisir un camp et s'inscrire totalement dans des termes que nous ne pouvons pleinement investir ? Comment construit-on notre identité professionnelle entre ce que l'on nous enseigne dans les écoles et ce que nous cherchons par nous-même par la suite ?
Raphaël est lui aller chercher ailleurs, vers ALBARET ou d'autres auteurs, tel un adolescent se rebellant contre « l'enseignement parental ». Il nous parle ensuite de ses collègues de promo qui sont actuellement cadre, directeur d'école, rédacteur de thérapie psychomotrice... ce qui montre qu'une évolution, une ouverture est possible par la suite en dépit des divergences initiales de formation.

            Raphaël nous fait ensuite une présentation rapide de sa carrière et de son lien au bilan. Son premier poste est en hôpital de jour auprès d'enfants très déficients pour lesquels les bilans standardisés ne sont pas forcément pertinents, il reste donc avec son baguage « de base » (Marthe-Vyl / Bucher...). Il travaille ensuite en libéral ce qui l'incite à s'intéresser aux bilans standardisés. Ce qui marque un tournant pour lui est la présence d'un pédopsychiatre en CMPP qui le pousse à travailler sur ces bilans. Il décortique alors cet outil lui-même car il n'y a pas de budget pour se former. La question se pose alors de pouvoir uniformiser, créer un document, un test qui puisse être coté et utilisé par tous mais est-ce possible ? Peut-être pour le bilan mais pas en ce qui concerne la pratique.

            Raphaël a passé sa MESP dans une institution, un lieu de soin. Lorsqu'il encadre les premières MESP, en tant qu'examinateur, il est marqué par le fait que les étudiants le rassurent en lui disant qu'ils seront bien en relation avec les patients. Sauf que le patient en question quitte la salle d'examen et que les étudiants ne maîtrisent pas du tout le bilan... Il est effectivement important de parler de la relation lorsque l'on parle du bilan car c'est généralement la première rencontre entre le psychomotricien et son patient. Cependant le bilan est également là pour déterminer s'il y a un besoin de suivi et donc pour avoir une observation relativement objective de la personne et de ses troubles. C'est dans cette optique là que la standardisation paraît être intéressante car elle permet, en cadrant l'observation, de limiter les variables parasites. Avoir la même consigne, le même matériel pour tous les psychomotriciens et tous les patients permet de pouvoir dire que les variations observées appartiennent au sujet en présence. Cela offre la possibilité d'avoir une photo nette de la personne où elle en est à l'instant T et de se rapprocher le plus possible du « score exact ». La standardisation offre une harmonisation des notes qui permet d’avoir une observation objective.
Les étudiants lui demandent souvent comment faire pour un enfant qui refuse, qui s'oppose et sera donc en échec sur tout, il sera forcément pénalisé par la standardisation...  Pour Raphaël, la cohorte utilisée pour établir les tests se base sur un ensemble suffisamment large comprenant des enfants qui ont pu s’opposer pendant les épreuves. Les scores prennent en compte cette éventualité.
Il lui est aussi parfois dit que l'opposition à l'utilisation des tests standardisés vient du fait de ne pas vouloir mettre les enfants dans des cases. Ce à quoi il répond que les enfants sont déjà dans la case de ceux qui ont besoin de passer un bilan psychomoteur. Cela permet juste de savoir où ils se situent dans cette case qu'ils occupent.

            Les protocoles des tests standardisés sont très détaillés, on pourrait alors se poser la question de notre spécificité. Une personne sans formation particulière qui travaille le bilan pourrait-elle être apte à le faire passer ? Que pouvons-nous apporter par notre approche spécifique ? Notre rôle est de mettre en lien les scores objectifs obtenus et les observations que nous avons pu faire mais également de recouper les différents scores les uns avec les autres. Cette mise en perspective n'est possible que par la pratique et l'expérience. Selon Raphaël, le bilan est un acte de participation au diagnostic médical.

            Raphaël nous rapporte ensuite les propos de Laurence VAIVRE DOURET qui dit que les psychomotriciens utilisent des bilans venant de la médecine, de la psychologie ou de l'ergothérapie mais que pour autant nous sommes ceux qui nous plaignons le plus de nous faire « piquer » notre boulot et nos tests (NPmot' et DF-mot). La richesse de notre profession réside dans les liens que nous pouvons faire entre les résultats obtenus et nos observations pour avoir une approche différente des autres professions. Ce qui rejoint les propos de D. COURBERAND qui définit la psychomotricité comme étant « un travail interprétatif entre le corps qui montre et le corps qui cache ».

            Raphaël conclue son intervention théorique en nous expliquant que, selon lui, l’intérêt de la cotation serait de refaire une évaluation quelques temps plus tard afin de comparer et mesurer l'évolution de l'enfant. Si un enfant passe d'un résultat de -14 écarts types à -5 écarts types alors peut-être qu'il est pertinent de coter pour objectiver l'évolution. De plus le bilan coté permet d'avoir une idée de l'âge réel de l'enfant.

            Raphaël poursuit ensuite avec un cas clinique. Noa est un garçon de 8 ans qui ressemble un peu à Harry Potter. Il présente un retrait autistique mais est jusqu'à présent passé entre les gouttes de tout diagnostic. Noa n'a pas de copains, il a du mal à être en lien avec ses enseignants (et réciproquement) mais ne présente pas de difficultés d'apprentissage. Il n'aime pas les jeux de société ni les jeux de construction. Sa mère dit qu’il présente un « mutisme corporel ». Elle est inquiète du bilan car elle veut des tests standardisés et a un peu peur des psychomotriciens issus de l'école de Lyon.
            Raphaël commence son bilan par une observation psychomotrice et des jeux de ballon. Noa participe et rit mais il demande ensuite à Raphaël de « faire du travail » car il trouve qu'il a beaucoup joué. Raphaël lui propose alors les tests standardisés et Noa lui pose beaucoup de questions sur les écarts types, il lui explique alors ce que c'est. Lors de ce bilan Raphaël se surprend à faire le Stamback jusqu'au bout et observe que Noa ne parvient pas à comprendre l'écriture symbolique. Dans le BHK, il observe de nombreuses inversions de lettre. Il a donc divers éléments mais ne sait pas bien quoi en faire... Il restitue le bilan à la mère et lui propose de retourner vers son généraliste pour qu'il puisse faire la synthèse des bilans. Raphaël nous explique que les résultats apparaissaient trop hétérogènes pour faire une synthèse. Il suggère néanmoins en fin de bilan une orientation vers un bilan orthophonique et orthoptique. Il s’avère ensuite que l'orthophoniste détecte une importante dyslexie  très compensée et l'orthoptiste repère de gros problèmes visuels.
            Dans cette situation, Raphaël a eu besoin de commencer par de la psychomotricité dite « relationnelle » pour pouvoir ensuite proposer des tests standardisés. Pour lui il est important d'utiliser ces tests de façon raisonnée pour proposer un accompagnement à la carte à chaque personne reçue. Raphaël explique qu'il est, selon lui, nécessaire d'utiliser les deux « types de psychomotricité » pour s’ajuster au mieux à la personne reçue. Pour le moment la psychomotricité est présente dans les plans gouvernementaux (autisme et dyspraxie) mais il semble important  d’utiliser des tests standardisés pour objectiver notre pratique et défendre notre spécificité.

Cécile entame la discussion en nous présentant sa pratique dans un SSR auprès d'enfants brûlés ou cérébraux lésés. Les bilans qu'elle peut pratiquer sont très spécialisés et orientés pour détecter des troubles dysexécutifs. Il est évident que les enfants qu'elle rencontre présentent ce type de troubles mais qu'en est-il du sensoriel ? Pour chercher dans cette direction elle utilise les bilans qui sont souvent pratiqués auprès des personnes autistes, ce qui ne lui convient pas car les troubles ne sont pas les mêmes. Elle cherche des bilans qui puissent être évolutifs entre sensoriel / moteur et cognitif mais rien n'existe et encore moins des bilans normés.
            Raphaël lui répond qu'il faut effectivement adapter le bilan à l'enfant mais comment faire ? Par rapport à quelle norme ? C'est aussi le problème des bilans de niche car les éditeurs cherchent la rentabilité ce que ces pratiques ne permettent pas. Il nous alerte aussi sur la nécessité d'acheter les bilans pour qu'ils continuent à être édités.
Une autre problématique s’impose à Cécile et sa collègue : ce sont les seules à ne pas proposer de bilan standardisés dans l’équipe (kinésithérapeute, ergothérapeutes, orthophonistes).
Marème évoque ensuite sa pratique dans un service d'addictologie. Ses collègues font toutes des tests standardisés mais elles les psychomots ? Quels chiffres peuvent-elles entrer dans le fichier informatique ? Elles n'ont pas de données chiffrées à entrer et ne font « que » des prises en charges considérés comme étant corporelles, le suivi en psychomotricité devient donc facultatif.
Cécile rebondit en disant que les chiffres permettent pour elle d'évaluer la perte subie et donc si elle est récupérée ou non. Elle se questionne également sur la possibilité d'intervenir auprès des patients au bon moment car comme elle n'a pas de bilans cotés adaptés, elle est moins en lien avec les médecins et son intervention passe en dernier plan ou intervient trop tard.
            Nous en revenons à la cotation. Pour avoir des bilans cotés, il faut une cohorte suffisamment importante pour pouvoir se référer à une norme. A-t-on « suffisamment » d'enfants grands brûlés ou d'adultes en addicto pour pouvoir faire ce travail de cotation ?

Denis nous parle de son utilisation de l'échelle de DUNN. Il y a des chiffres mais il y a surtout un questionnaire qui permet ensuite de faire le lien avec la théorie.
Mathieu nous questionne ensuite sur la possibilité d'uniformiser un bilan qui pourrait être commun à tous alors qu'il existe des cliniques de niche. De plus, les enfants arrivent souvent avec un diagnostic déjà bien posé (« il est autiste »), comment s’inscrire dans le diagnostic dans ces cas-là ?
            Raphaël se montre très pessimiste sur l'évolution des postes de psychomotriciens en institution notamment avec l'émergence des plateformes d'orientation précoce. Il s'inquiète de la possible disparition des CMP.

Denis se retrouve bien dans la présentation qu'a fait Raphaël et l'idée d'une psychomotricité intégrative lui plaît bien. Lui a commencé avec la phénoménologie, assez difficile d’accès, puis il y a eu la psychanalyse qui était beaucoup plus claire. Pour lui la psychomotricité est une profession qui avance et il est important de dépasser la question du relationnel ou pas.

Se posent ensuite les questions de l'uniformisation des pratiques, de la cotation à l'acte que cela pourrait entraîner, de la nomenclature choisie et de comment les pratiques de niches pourraient également être exclues de ces actes pensés pour le plus grand nombre. Raphaël nous explique que les orthophonistes font toutes le même bilan mais que par la suite la rééducation, l'accompagnement, varie d'une professionnelle à l'autre. Il n'y aurait alors plus aucune flexibilité et plus aucune personnalisation possible dans l'acte du bilan ?

Est ensuite posée la question de pourquoi et pour qui on fait un bilan ? A quoi va répondre le bilan ? Comment faire quand le bilan réalisé ne répond pas à la demande initiale à l'origine du bilan ?
Nous nous quittons après cette présentation très riche et ces débats animés avec encore de nombreuses questions non résolues : Quelle conduite doit-on tenir avec le bilan ? Quels outils doit-on utiliser ? Quelle évaluation faisons-nous du bilan ? Quels objectifs nous donnons-nous dans la passation d'un bilan ? Cécile conclue la soirée en nous disant que le bilan permet, pour elle, d'explorer des domaines où nous ne serions peut-être pas allés chercher.


            Nous vous proposons de nous retrouver le 18 février, toujours au comptoir de Béline, pour poursuivre notre réflexion autour du bilan. Nous n'avons pas encore le nom de la personne qui interviendra mais il vous sera communiqué par la suite.

            Nous vous souhaitons de passer de belles fêtes de fin d'année et serons ravies de vous retrouver début 2020.



Lison Gilardot, pour l'ARRCP.


lundi 14 octobre 2019

Café Psychomot' - Mardi 5 Novembre - 19h45


Pour ouvrir notre réflexion de l'année sur Le bilan nous vous proposons de nous retrouver le 5 novembre 2019 à 19h45, au comptoir de Béline,  autour de Raphaël Vonsensey et de ces questions:
Existe-t-il encore une dichotomie entre bilan normé et bilan d’observation?
Quelle place occupe le bilan dans notre clinique psychomotrice et ses différentes approches ?

Raphaël nous propose de soutenir notre discussion par la lecture de différents articles :
« L'évaluation des soins en psychomotricité : la thérapie psychomotrice basée sur les preuves versus la psychomotricité relationnelle » de James RIVIERE dans Annales médico-psychologiques n°168 (2010)
« Les thérapeutiques psychomotrices aujourd'hui : perspective dialectique et approche intégrative » J. BOUTINAUD, M.RODRIGUEZ, O.MOYANO, F.JOLY dans Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence n°61 (2013).
«  Moi, psychomotricien. » Chronique d'un bilan psychomoteur de 2002 à aujourd'hui » THERAPIE PSYCHOMOTRICE ET RECHERCHES (n°184 vol 48, paru le 25/02/2019)

Nous vous invitons à bien vous pré-inscrire par mail à arrcplyon@gmail.com avant le 1er novembre dernier délai. En effet les places sont limitées !
Sur place, nous vous demandons de prendre une consommation (payée au bar) et de vous acquitter des 5 euros de participation auprès de notre trésorier.

Au plaisir de vous retrouver nombreux,


Pour l'ARRCP
Natacha VIGNON, Marème DIOP et Lison GILARDOT

dimanche 22 septembre 2019

Les Cafés Psychomot' Saison 2019/2020



Nous espérons que vous avez passé un bel été.

Il est maintenant temps pour nous de penser la rentrée et de vous proposer une nouvelle saison de .
café psychomot'

Pour cette année 2019-2020 nous souhaitons porter notre réflexion sur :
« Le Bilan » ; outil d'observation, première rencontre avec la personne, impératif institutionnel ou injonction, il est de plus en plus présent dans nos pratiques. Singulier, ou étalonné, nous allons pouvoir discuter de sa place dans la clinique autour de trois rencontres.

Nous serons cette année accueilli-e-s au Comptoir De Béline
                                                                       34 Rue Bancel, 69007 Lyon
Notre lieu de dépannage au mois de février et nous avons souhaité y retourner.
Nous vous accueillons à 19h45 afin que l’échange commence à 20h jusqu’à 21h45.

Le principe est le même, l’inscription se fera auprès de nous à l'adresse : arrcplyon@gmail.com
Sur place, nous vous demanderons une participation de 5€ et une boisson sera à prendre au bar.

Les dates de nos rencontres sont d'ores et déjà fixées. Vous pouvez déjà noter que nous nous retrouverons le :
- Mardi 5 novembre 2019
- Mardi 18 février 2020
- Mardi 12 mai 2020

            Au plaisir de vous retrouver nombreuses et nombreux, à très vite !

Pour l'ARRCP,
Natacha VIGNON, Marème DIOP et Lison GILARDOT

lundi 17 juin 2019

Un aperçu du Café Psychomot' du 09 avril 2019


          
    Pour ce dernier café de la saison sur le féminin en psychomotricité, nous nous retrouvons au café de la cloche autour de Lucie Thomas qui s'est proposée de nous parler de sa pratique auprès de personnes présentant des troubles des conduites alimentaires.
Lucie propose de s'appuyer sur ses expériences passées à la clinique Saint Vincent de Paul à Lyon et au centre de référence des troubles des conduites alimentaires de Grenoble.

              A la clinique Saint Vincent de Paul où elle était en stage de 3ème année ( stage en référence avec Sabine Fritis Arcaya), Lucie a mis en place deux groupes : un groupe  « Confiance et détente » et un groupe « Expression corporelle » . Elle a aussi pu suivre des patientes en individuel. 
Différentes questions sont survenues: que représente la nourriture dans la vie de ces jeunes femmes, souvent sur un versant anorexique et âgées de 15 à 25 ans ? Qui sont elles, elles qui se questionnent sur la normalité de manger ou d'avoir faim ? 
Quand elle a pu les observer manger, Lucie nous raconte combien elle a été frappée par la perte de sens qu'elles peuvent ressentir dans  l'acte de se nourrir. Cela l'a fait associer sur leur conscience du corps, leur schéma corporel, leur perception de l'espace et aussi sur leur perception de l’intérêt de se nourrir.

              Le premier groupe qui était alors proposé aux jeunes femmes hospitalisées était celui de la conscience corporelle et de la détente afin de rassurer leurs angoisses et de créer un espace dans lequel elles puissent être autre chose que douleur. Ce  groupe leur permettait de redécouvrir leur corps par des propositions assez neutres et factuelles, mettant à distance le pulsionnel , par exemple l'utilisation d'un squelette pour retravailler le schéma corporel de façon didactique, remettre du concret et du théorique pour aller au delà de toutes les idées fausses qu'elles pouvaient avoir. Lucie travaillait par le biais d’expériences pratiques (percussions osseuses, statues, travail sur les schèmes moteurs) pour que ces femmes puissent se réapproprier leur corps et reproduire ces exercices une fois seules. Lucie nous indique que selon elle ce travail sur le corps réel a aussi pour fonction une remise en route corporelle par l'apaisement de l'imaginaire foisonnant. La sensorialité prend une place fondamentale dans l'approche de Lucie qui observe combien les sensations digestives sont inquiétantes et insupportables.
Dans sa manière d'être Lucie montre, commente, mais ne surveille pas. Elle associe avec nous sur le rôle de l'appareil psychique parental.
Pour le cadre spatial de ce groupe, Lucie avait repris une disposition expérimentée dans un autre lieu de stage (groupe de femmes incarcérées) :  des coussins disposés en cercle pour créer un espace chaleureux et contenant auquel elle avait ajouté un gros ballon. Elles commençaient aussi leur groupe en se racontant un élément positif et un élément négatif de leur semaine. Pour le versant relaxation de ce groupe, Lucie s'est beaucoup appuyée sur la relaxation BERGES très appréciée par les patientes.

              Lucie proposait dans un second temps un groupe d'expression corporelle en appui sur le mime et le théâtre dans lequel elle incitait les jeunes femmes à se rassurer sur le fait que même en étant adulte il est possible de s'amuser. En utilisant la danse, les échanges toniques avec les bâtons et la défense du territoire permettant de mobiliser l'agressivité et de sentir le muscle autrement, les patientes pouvaient éprouver le lâcher prise et entrer dans un processus de re-narcissisation. Ce groupe permettait aussi de remettre du sens et de la structuration des mouvements chez ces jeunes femmes. Lucie, qui aura beaucoup utilisé son imagination et ses images internes dans cette expérience, nous livre celle qu'elle avait en voyant ces jeunes femmes :  « les biches dans le parc » .
Le travail sur le jeu, les improvisations activaient aussi les processus de symbolisation, d'accès à l'image et à la créativité.
  
               Lucie nous parle ensuite d'un groupe qu'elle animait au centre de référence des troubles des conduites alimentaires à Grenoble qui accueillait des femmes d'âge plutôt mur dont la symptomatologie se situait plutôt sur un versant boulimique. Dans ce groupe, les femmes accueillies pouvaient parler de leur féminité, de tous les rôles qu'elles devaient tenir (mères, femmes, professionnelles, filles...) et pour lesquels on attend d'elles qu'elles soient parfaites. Elles parlaient aussi du fait de ne plus avoir aucun moment pour elles. Dans ce groupe, elles pouvaient faire l'expérience de  se faire du bien elles mêmes, sans que cela ne vienne forcément de l'autre. Le cadre contenant du groupe leur permettait de lâcher prise et de lâcher un peu de leur maîtrise.

              Lucie croise son regard aux nôtres par plusieurs vignettes cliniques en commençant par le cas d'un jeune homme anorexique qui avait peur de grossir mais surtout qui ne supportait pas la sensation de manger. Il éprouvait de la panique à chaque fois qu'il ressentait son ventre. Il avait très peur de devoir quitter en urgence la salle dans laquelle il se trouvait (notamment la salle de cour). Ces craintes, liées aux sensations, sont très fréquentes chez les personnes anorexiques. Lucie a pu faire l'hypothèse que peut être les sensations éprouvées par ces personnes lors de l'enfance, n'ont pas été détoxifiées par la mise en mot parentale. L'expérience du groupe permet de mettre des mots sur les sensations.
              Elle évoque ensuite le cas d'une femme âgée de 30 ans, petite et maigre, s'habillant en taille enfant,  très fermée et qui collait au discours qu'elle entendait. Le groupe d'expression corporelle et notamment l'improvisation lui a permis de s'ouvrir. Elle souhaitait « faire le bébé en colère », criait, hurlait et tapait des pieds. Cette approche régressive et ludique lui a permis de dire comment elle se ressentait et où elle se situait réellement.
              Lucie nous parle ensuite d'une jeune femme qu'elle décrit comme unisexe et vaporeuse. Persécutée par le regard, le début du suivi s'est donc fait dos à dos. Elles ont travaillé ensemble autour de l'enroulement. Lucie associe avec l'image du corps fœtale de DOLTO.  Elles ont pu petit à petit travailler côte à côte puis face à face par le biais d'objet. La jeune femme se décolle de Lucie, s'individualise, elle commence à se maquiller, elle parle d'elle puis devient boulimique et interrompt les séances. On repense alors à Barbara, la patiente de  l'article de Claire Bertin donné en lecture  "Se former - Se déformer - Se transformer, rencontre avec Barbara une adolescente boulimique", publié dans la revue THERAPIE PSYCHOMOTRICE et recherches n°171-2012.

Tout le long de sa présentation, Lucie nous fera sentir la force des images qui l'ont traversé dans ces rencontres cliniques et qui permettaient de maintenir la capacité de rêverie ( images de couleurs : la patiente grise, de matière ou de perception : vaporeuse etc...)


              Natacha ouvre ensuite la discussion en remerciant Lucie pour sa présentation et ses récits cliniques très concrets et dans lesquels il n'y a pas l'omniprésence de la mère. C'était une présentation concrète où l'on ramène le corps dans le réel en faisant « taire » le fantasmatique autour de ces patientes.

              Emmanuelle nous donne son point de vue sur les TCA comme un symptôme mais de quelle cause sous-jacente ? Elle questionne la psychose en sous terrain chez grand nombre de jeunes femmes. Lucie rebondit en disant qu'effectivement l'atteinte de l'image corporelle est quasi psychotique, il y a quelques chose de délirant dans la dysmorphophobie.
Dans ces pathologies, le corps ne parle que par le trouble, il est extrêmement présent dans les sensations et les pensées mais tellement présent et envahissant qu'il est annulé par le trouble. Pour ces femmes, le corps est désincarné, vécu par petits bouts et elles peuvent se focaliser sur un détail. La dénutrition entraîne une perte de sensations, elle crée des dommages cérébraux, des douleurs, des sensations de froid mais « au moins » il n'y a plus que ces sensations et rien d'autre. Lucie nous rapporte que dans le centre de référence de Grenoble, le TCA était vraiment perçu comme un symptôme qui se cristallise autour du corps. Il était dit aux patientes que ça s'apparentait à une addiction.

Mélanie nous interroge sur le lien entre la culture et les pathologies qui se développent. Y a t-il des cultures qui ont plus de cas d'anorexie ? Elle trouve le cas du jeune homme intéressant car il montre bien que la question du féminin ne se retrouve pas uniquement chez les femmes, il est aussi présent chez les hommes. Le groupe s'accorde à dire qu'il n'y a pas d'anorexie là où il y a de la famine. Natacha nous dit que dans les sociétés occidentales, la femme doit ressembler aux photos des médias. L'idéal du corps est très différent dans les différentes cultures et la question du regard est primordial. Le corps représentant ce que l'on est à l'intérieur, les personnes ayant des TCA ont besoin d'être transparentes, invisibles et vivent un sentiment de honte et de culpabilité intense.

Denis nous interroge sur les TCA comme des troubles narcissiques. Les questions de pulsionnalité et de sexualité changeraient de lieu, ce qui s'exprimait avant par l'hystérie se déplace peut être ailleurs maintenant, notamment dans les troubles addictifs ? Lucie nous parle des castrations symboligènes de DOLTO qui seraient des digues ou des barrages pour canaliser les pulsions. La question de la pulsionnalité est centrale dans l'anorexie, peut-être s'interdisent-elles toute pulsion pour ne pas que ça déborde ?

Denis nous amène à nous questionner sur le besoin que nous avons avec ces patientes de faire retour au corps asexué comme une illusion partagée pour que le corps puisse se sexualiser par la suite.
Les groupes proposées par Lucie permettent aux jeunes femmes de faire groupe mais également de faire corps (groupal et individuellement) et travaille sur la dialectique individu/groupe

Natacha fait le lien avec l'article donné en lecture où l'auteure nous explique que le corps de sa patiente n'a pu exister qu'en reprenant certaines étapes : prendre place dans l'espace pour ensuite exister dans le miroir de la fenêtre et exister dans le regard de la psychomotricienne.

Emmanuelle questionne Lucie sur la temporalité de ses accompagnements. Les groupes ont eu lieu sur quatre séances et  renouvelables une fois. Les jeunes femmes étaient hospitalisées 6 à 8 mois et Lucie ne les rencontrait qu'au bout d'un mois, un mois et demi.

Martin nous interroge sur le trouble de base ; on est bien d'accord que les TCA sont des expressions d'un trouble mais qui prend en charge le trouble de base et comment celui-ci peut avoir un impact dans ce que l'on peut proposer à ces jeunes femmes ? Les TCA sont généralement significatifs d'un trouble de l'identification, de la construction identitaire dont l'expression est partiellement psychomotrice. Lucie nous explique que dans le centre de Grenoble, les médecins s'intéressent à la quantité du trouble mais surtout aux troubles associés (psychose, troubles de l'attention, autisme, bipolarité...).

Un grand merci à Lucie pour s'être proposée spontanément pour intervenir dans notre café et montrer que nos cafés sont un lieu d'ouverture à la présentation, à la réflexion pour chacun-e de nos collègues.

              Merci à toutes et tous pour votre participation nombreuse à cette saison riche autour de la question du féminin en psychomotricité. Nous vous souhaitons un bel été (un peu en avance) et nous vous tiendrons informé-e-s de nos réflexions et pistes de travail pour la saison à venir.

Pour l'ARRCP,
Natacha Vignon et Lison Gilardot.

lundi 25 mars 2019

Café Psychomot' - Mardi 9 avril 2019 - 19h45



                        Pour clore cette saison sur le thème du féminin en psychomotricité, Lucie Thomas viendra nous parler d’adolescentes en mal d’habiter un corps au devenir féminin et adulte. 
Nous nous retrouverons le mardi 9 avril 2019 à 19h45,  au café de la Cloche.

Pour soutenir la réflexion, nous vous invitons à lire l’article de Claire Bertin "Se former - Se déformer - Se transformer, rencontre avec Barbara une adolescente boulimique", publié dans la revue THERAPIE PSYCHOMOTRICE et recherches n°171-2012 .

Le nombre de place étant limité, n’oubliez pas de vous pré-inscrire  à l’adresse suivante : arrcplyon@gmail.com avant le 7 avril.

Sur place, nous vous demandons de prendre une consommation (payée au bar) et de vous acquitter des 5 euros de participation auprès de notre trésorier.

Pour l'ARRCP, Natacha Vignon et Lison Gilardot

lundi 25 février 2019

Un aperçu du Café Psychomot' du 05 février 2019



C'est un café psychomot' itinérant qui nous a fait nous retrouver, nombreux, mardi 5 février, au Comptoir de Béline, qui a bien voulu nous recevoir en dernière minute.

Sabine Fritis Arcaya nous y raconte avec images, détails et précisions dans sa clinique, son travail dans son cabinet libéral auprès de femmes en difficultés pour devenir mères.

Nous l'écoutons, nous parler de ce qui, pour elle, fait l'objet de ses thérapies psychomotrices. Sabine, avec humour et sérieux nous dit d'emblée qu'elle ne se situe pas dans une compréhension psychoaffective de l'infertilité et qu'elle reste prudente avec les théories psychologiques et le classique « Vous avez un problème avec votre mère ».

Quand un projet de bébé est en panne, le mythe ou la légende se place pour tenter de comprendre. Trouver un coupable. Pour ces femmes, soi même est le coupable idéal. L'entourage vient souvent  donner son explication en voulant aider. Dans un article publié en 2012 dans Thérapie Psychomotrices et Recherches, elle écrit de manière théâtralisée, tel un dialogue, les mots mis par l'entourage. - tu y penses trop – finis ta maison et ça viendra- etc...
Pour Sabine la fertilité est une histoire multiple, mélange de physiologie, d'anatomie et de contextes personnels.
Se mêlent pour la femme identité, maternité et féminité, tout comme chez l'homme identité, masculinité et virilité.
Elle nous rappelle que pour ces femmes qui arrivent dans son cabinet, rien ne compte plus que l'enfant absent quand on est une femme au ventre vide. Il y a beaucoup de solitude et de souffrance.
Les traitements de PMA sont lourds et ont de nombreux effets secondaires corporels (tension, mal de dos, mal digestif, troubles de l'appétit...). Le corps devient objet de soin de la science. Les espoirs alternent avec les désespoirs.
La thérapie psychomotrice permet d'accompagner cette période de vie qui malmène ces femmes, ces couples.
Sabine précise d'emblée l'objet du travail, à savoir : « retrouver des ressources en soi et se réapproprier son corps et ses projets » pour ne pas participer de l'espoir (et du désespoir) et permettre à ses patientes de faire un pas de côté par rapport à l'attente de tomber enceintes.
Son cadre est fait d'un temps de parole et de mise en situation corporelle. Elle peut recevoir les patientes en individuel, petit groupe et parfois en couple.
Sabine possède dans sa boîte de nombreux outils : travail sur l'axe, sur la régulation tonique (Feldenkreis, Eutonie), sur les manifestations émotionnelles (relaxation, empaquetage, mise en trace par la terre, le dessin), sur l'espace (conscience de la proxémie), sur la relation au corps de l'autre (se poser, s'opposer, défendre son territoire), sur le schéma corporel , la prise de conscience de la cage thoracique et du bassin (mouvements, cycles, rythmes), sur la créativité (danse, travail vocal, peinture).
Elle peut utiliser des planches anatomiques, des images pour aider à se faire des repères avant qu'au fil du temps, le travail s'affine et aille vers un schéma corporel plus intime.
Depuis peu, elle a rajouté l'hypnose dans sa boîte à outils.

Toutes ces expériences corporelles visent à proposer un temps pour soi, pour s'accepter, rire, à ces femmes qui se trouvent dans une période de discontinuité de leurs différentes identités (elle, la petite fille en elle, la femme, la femme de).
Sabine nous rappelle encore que pour ces femmes, c'est déjà tout un programme de s'occuper de soi et le parcours de l'infertilité est souvent celui du combattant.
L'article qu'elle nous a proposé en lecture permet de se rendre compte de toutes les étapes allant du traitement de stimulation ovarienne, à la réimplantation des embryons pour la FIV, en passant par l’insémination artificielle. Avec humour, et il en faut bien, Sabine nous refait le parcours.

Cela donnera lieu à des premiers échanges avec les participants du café :
Des questions/échanges sur le nombre de FIV autorisées en France (4 remboursées jusqu'au 43ème anniversaire seulement).
Des questions sur les consultations des hommes infertiles, qui auraient moins besoin d'aller voir quelqu'un.
Des questions sur la législation qui cadre la PMA et les éthiques des lieux de soins qui prônent de plus en plus la réimplantation d'un seul embryon.
Les échanges seront multiples sur les procédés de la PMA, la GPA, l'éthique, la législation, le cadre de soin psychomoteur, l'élite des gynécologues (« ceux qui donnent la vie ») et leurs idéaux de réussite, le gros travail de Sabine quand elle s'est installée pour aller à la rencontre des gynécologues et se faire connaître et reconnaître...

Le temps file et Sabine passe à la clinique d'une de ces patientes, qu'elle nomme Annabelle.
Annabelle arrive au cabinet. C'est  une collègue de collègue.
Elle a déjà eu des traitements de stimulation ovarienne et des FIV.
Elle veut « mettre un coup de pied dans la fourmilière mais pas dans son entourage ».
Sabine comprend assez vite qu'Annabelle prend beaucoup de choses en charge. Elle décrit des sentiments de peur et de dégoût dans sa sexualité et fait des demandes paradoxales à son conjoint.
Elle a une représentation : la maternité lui est essentielle pour se sentir femme.
Sabine parcoure avec nous son carnet de notes des différentes et nombreuses expérimentations qu'elle aura proposées à Annabelle.
On est plongés au cœur du travail psychomoteur :
*travail sur le tonus, des exercices sophrodynamiques, auto-massages
*situations de relaxation/régression pour qu'elle puisse se laisser aller à être dans les mains de l'autre
*travail du bassin (l'horloge de Feldenkreis)
A ce moment là de la thérapie, la question du dégoût dans la sexualité se parle et Annabelle associe avec un petit garçon dont la sœur était morte et dont la mère  était la nounou d'Annabelle.
Elle parle à Sabine d'un trouble qu'elle ressent dans son corps quand elle recroise maintenant cet homme (le petit garçon de son souvenir).
Sabine propose alors un travail qu'elle qualifie avec nous de plus théorique sur les mécanismes de défense, l'analyse transactionnelle, la communication non violente pour fournir à Annabelle des appuis pour élaborer et des aides pour formuler avec moins de virulence ses ressentis à son entourage.
*la colère peut arriver dans les séances et le travail corporel s'oriente sur la défense du territoire.
On voit bien dans la présentation de Sabine qu'elle essaie de rencontrer cette patiente par des aspects bien différents et qu'elle lui fait des propositions au plus près de ce qu'elle perçoit.
Jusqu'à un travail « de fin de thérapie » qui consiste, à l'aide de l'image des pourcentages de proposer un exercice corporel où Sabine s'occupe d'Annabelle à 100%, puis elles sont à 50/50 pour arriver à « tu n'as plus besoin de moi ».
Le travail d'hypnose qui clôture la thérapie sera une sphère contenant tout ce qui aura été travaillé.
Dans toute cette histoire Annabelle sera tombée enceinte, aura fait une fausse couche, sera allée se faire implanter en Espagne ce qui n'aura pas fonctionné.

Nous n'aurons pas le temps pour une deuxième situation clinique afin de permettre des échanges et réflexions avec les participants.
Je dis à Sabine que tout ce qu'elle évoque me fait penser à une transmission du féminin, par le jeu de l'identification.
Emmanuelle met en avant l'impression d'une parole qui vient se découvrir et Sabine de souligner l'articulation entre s'éprouver, se ressentir et se penser.
Cécile pointe qu'à cette thématique de la fertilité est associée celle de la sexualité et que ça n'est probablement pas si simple de venir bousculer ces défenses là quand, dans le fantasme, c'est le corps médical qui viendrait enfanter le corps de ces femmes.
Sabine nous dit aussi que pendant sa thérapie psychomotrice, Annabelle a aussi quitté son travail de secrétaire médicale, qui la faisait se sentir le larbin de l'autre, pour entamer une formation de management. Elle est devenue le bras droit d'un associé, mobilisant une part plus active, moins subie et plus forte d'elle.
La place de la créativité pour sublimer, transformer est aussi reprise par une participante dont je n'ai pas le prénom (pardon). Sabine précise que cela n'est pas énoncé car ces femmes sont souvent déjà beaucoup blessées par des images, des métaphores sur la création du genre « c'est ton bébé cette maison »
Martin se dit impressionné par la description de Sabine de son travail de psychomotricité. Il la questionne sur l'aspect psychothérapique de son approche et sur les réaménagements des défenses qui amèneraient les patientes à agir, à changer des choses dans leur vie.
Une conflictualité saine s'ouvre dans nos échanges entre ce qui est mobilisé en thérapie et ce que le patient décidera d'en faire qui ne nous appartient pas.
Sabine rappelle que c'est inscrit d'emblée dans son cadre « vous venez faire une thérapie psychomotrice ». « Il y a donc à contenir et à garder la tête tiède ».

Un grand merci à Sabine pour la qualité de son intervention, au « Comptoir de Béline » pour son soutien et sa curiosité pour notre soirée et nos échanges, ainsi qu'à tous les participant-e-s.


Natacha Vignon pour l'ARRCP

mercredi 16 janvier 2019

Café Psychomot' - Mardi 5 février 2019 - 19h45


Pour ce deuxième Café Psychomot’ de la saison sur le thème du féminin en psychomotricité, nous accueillons Sabine Fritis Arcaya, qui nous parlera de sa clinique en libéral, auprès de femmes en difficulté pour devenir mères.

Nous vous attendons donc mardi 5 février à 19h45 au Café de la Cloche
4 rue de la Charité 69002 Lyon.

Lors de votre inscription, nous pourrons vous envoyer le texte « Entre Filiations et Perspectives - Difficultés de fertilité et psychomotricité », d’Anne-Marie Salamin Marard, que Sabine nous conseille comme support à la réflexion.

Nous vous invitons à bien vous pré-inscrire par mail à arrcplyon@gmail.com avant le 1er février dernier délai. En effet les places sont limitées !

Sur place, nous vous demandons de prendre une consommation (payée au bar) et de vous acquitter des 5€ de participation auprès de notre trésorier.

En attendant de vous retrouver nombreux, nous vous souhaitons une belle année, riche de partage, d’échanges et de créativité.

Pour l'ARRCP, 
Natacha Vignon et Lison Gilardot

vendredi 4 janvier 2019

Un aperçu du Café Psychomot' du 6 Novembre 2018


            
                   C'est Céline Alcaraz que nous accueillons pour ce premier Café Psychomot ' de la saison autour du thème du féminin en psychomotricité. Céline travaille dans une unité de périnatalité au sein de l'HFME, elle exerce aussi en service de pédopsychiatrie et est formatrice à l'école de psychomotricité de Lyon. Elle est également diplômée de la Tavistock Clinic (observation Ester Bick).
            Céline commence son intervention en nous expliquant comment elle a préparé cette intervention. Elle qui travaille auprès des bébés, a été un peu prise au dépourvu lorsque nous lui avons proposé d'évoquer la question du féminin et du maternel. Elle s'est alors questionnée de façon plus imagée sur son travail avec les patientes, elle pense à quelques-unes mais celles-ci ne lui évoquent pas vraiment la question du féminin. Elle décide alors de prendre l'axe du maternel. Pour cela elle part du couple qui est soutien des fonctions maternelle et paternelle, il est aussi l'articulation entre l'érotique, le narcissique et le parental. La bi-parentalité psychique est intériorisée dans les appuis corporels et toniques que sont les appuis parentaux. Le père représenterait les appuis toniques alors que la mère serait plutôt un appui malléable et contenant.
            Céline évoque ensuite la question du féminin infantile qui serait de s'en remettre à l'autre. Elle nous parle de la « dette de vie », concept développé par Bydowski. La femme aurait une dette envers le monde qui serait de donner la vie comme sa mère avant elle. L'image qui nous vient lorsque l'on parle du maternel, de la maternité est celle du soin et de la tendresse. Ces deux concepts de la dette de vie et du maternel ne sont pas toujours simples à dépasser pour les femmes, nouvellement mamans, que Céline rencontre dans sa pratique.


            Céline nous fait ensuite part de deux vignettes cliniques vécues au sein de son unité de suite de couche de l'HFME. C'est une unité de quatre lits dans laquelle sont accueillies des femmes connues du service pour diverses raisons : troubles psychiques, accidents de vie, trauma périnataux, troubles anxieux... L'équipe à laquelle elle appartient est une équipe pluridisciplinaire composée notamment d'infirmières qui travaillent parallèlement en pédopsychiatrie.
            Céline mène des ateliers en binôme, notamment un atelier Peau à peau en présence dans lequel il est question de faire un lien sensoriel entre la mère et son enfant pour qu'elle le ressente comme étant le sien. Cet atelier est le lieu de l'expression des premiers ressentis et d'un nourrissage proprioceptif pour la mère. Les soignantes qui interviennent portent une attention très particulière à leurs sensations propres. Céline nous interpelle aussi sur la vision qu'elle a dans ces ateliers des corps dénudés des patientes qu'elle rencontre. Elle nous explique que le corps dénudé d'une mère n'est pas le même que celui d'une femme, les enjeux et les positionnements ne sont pas les mêmes. Ces distinctions sont parfois très difficiles face aux femmes qu'elle rencontre.

            Pablo : Mme E a 42 deux ans et est primipare. La grand-mère de Pablo est décrite comme étant tyrannique. Lorsque Céline arrive dans la chambre, le bain de Pablo a déjà eu lieu, elle ne sait pas trop quoi faire, elle se sent comme « un chien dans un jeu de quille ». Mme E lui dit « vous venez pour le bib' ». Elle vient effectivement accompagner un temps de nourrissage pour Pablo qui ne parvient pas à prendre ses biberons. Céline passe un moment à chercher Pablo, elle se prend les pieds dans les chaussures de Mme. Elle nous explique que le corps de Mme est tout en angles, elle est très mince et n'a aucun mouvement de rotation. Mme dit que son bébé lui prend trop de temps, qu'elle souhaiterait rentrer chez elle. Finalement Céline s’aperçoit que Pablo dort dans son berceau. Mme E lui dit qu'elle ne comprend pas pourquoi il n'arrive pas à téter, il pousse la tétine du bout de sa langue.
Mme s'installe pour donner le biberon à Pablo, Céline propose de mettre un coussin autour de Mme et de son bébé et se place derrière eux. Pablo, contenu dans cette installation, met sa bouche correctement autour de la tétine et parvient à faire succion. Mme dit à Céline « c'est un champion ! » ce à quoi Céline répond « vous êtes une championne ! ».
            Julien : Mme J a 37 ans et est aussi primipare. Céline est présente pour le premier bain de Julien, il n'a qu'un jour de vie. Céline nous décrit Mme comme étant « poussiéreuse » et ayant des questions éducatives logorrhéiques. Elle nous explique que Mme semble avoir peur de son bébé, quand il bouge, Mme crie et fait un bond d'un mètre. Céline nous décrit un méli-mélo entre sa collègue et elle. Elles ne savent pas où se mettre ni comment s'organiser. Pendant ce temps, Julien se désorganise de plus en plus. Ça devient pire encore lorsque Mme le met dans l'eau. Céline vient alors se placer derrière Mme pour soutenir ses bras qui portent Julien. Elles font ainsi un bain à quatre mains. Julien s'apaise et finit même par s'endormir à la suite du bain. Dans ce premier temps de bain, l'idée est que la mère fasse sien cet autre, qu'elle l'éprouve dans un registre sensorimoteur.
Mme a un manque d'étayage maternel, sa mère est décrite comme froide et distante.
A J11, Céline revient pour un bain allongé. Elle chante, Julien se détend, sa maman peut dire qu'il a l'air bien et elle semble bercée elle aussi. Quelques jours plus tard, Céline apprend que suite à ce bain, Mme est allée chercher un livre de comptine à la bibliothèque de la maternité.

            L'objectif de ces accompagnements est de passer par le sensorimoteur pour atteindre l'infantile de la mère et arriver jusqu'au bébé. Cette triangulation est nécessaire pour que la mère reconnaisse l'enfant comme étant le sien.
Céline fait le parallèle entre sa pratique et le mythe du Minotaure. Celui-ci est issu d'un refus de son père (Minos) d'honorer une dette. Minos décide de refouler cette faute en enfermant le Minotaure dans un labyrinthe et en lui envoyant tous les ans des jeunes gens pour qu'il s'en nourrisse. Ariane aide Persée, envoyée pour affronter le Minotaure, en lui donnant une bobine de fil pour qu'il retrouve son chemin. Cette bobine serait la symbolisation de la mémoire et une aide psychique pour vaincre le monstre.

Céline termine sa présentation par un diaporama d'images de tableaux de femmes, mères et scènes de nourrissage ramenant la question dans la représentation artistique : la femme et la mère.

            Natacha ouvre la discussion en nous disant que l'image qui lui vient suite à cette présentation est celle de la « sage-femme ». Céline est un représentant maternel qui transmet et enveloppe, elle donne naissance à la mère, accouche ses pensées et ses émotions.
Odile a eu plein de pensées au cours de cette présentation, notamment que Céline nous avait beaucoup parlé des mamans et que l'on aurait presque pu oublier les bébés, elle a donc bien relevé le challenge que nous lui avions donné !
Emmanuelle explique qu'elle a apprécié que nous avancions petit à petit dans la recherche du bébé. Elle note la délicatesse de l'entrée en matière de Céline avant d'aller dans le lien corporel à la mère.

Odile se demande comment Céline relate ses observations à la mère, que lui dit-elle ? Céline a pour objectif le bébé, son développement psychomoteur mais pour tendre à ça, elle doit passer par le corps de la mère, sa mise en forme par les émotions transférentielles.

Dorothée nous parle ensuite des liens qu'elle a pu faire entre la présentation de Céline et un soin mère/enfant qu'elle accompagnait en balnéothérapie. Elle nous évoque un enfant autiste et sa mère à qui elle a proposé de bercer son enfant dans l'eau. La mère ne sachant pas bien comment s'y prendre, se tenait à distance et a eu besoin que Dorothée vienne se placer derrière elle pour la soutenir à porter son enfant. Céline nous explique que les mères qu'elle rencontre n'ont que peu éprouver le dialogue tonique avec leur propre mère et que l'éveil sensoriel au contact de leur bébé n'est alors pas toujours accessible d'emblée. Elles ont elles aussi parfois besoin de cet accompagnement « gigogne » pour y avoir accès.

Sabine revient sur le « vous êtes une championne » que Céline retourne à la maman quand elle s'émerveille des capacités de son bébé. Elle valorise ainsi la mère en appui sur les compétences de son enfant. Pour Céline c'est l'observation attentive, avec une certaine lenteur que génère l'observation selon E. Bick, qui permet la valorisation et l’emboîtement dans les accompagnements.

Lyla se questionne sur l'arrivée des mères dans ce service, qui les adresse ? Les mères sont adressées par l'obstétricien ou les sages-femmes qu'elles voient en consultation à l'HFME. Les pédopsychiatres voient les mères en consultations anté-natales. Céline, elle, arrive après la naissance et se fait porte-parole du bébé. Les plus âgés qu'elle rencontre ont une vingtaine de jour mais la moyenne est de 10-12 jours.

Mélanie évoque son expérience de stage en unité mère-bébé. Elle n'avait pas été accompagnée par une psychomotricienne et avait été confrontée à la violence dans le lien entre les mères et leurs bébés. Quelle suite est ici pensée ? Comment ça se passe quand l'accompagnement s'arrête ? Céline intervient dans le post-couche immédiat, les bébés ont parfois moins de 2h. Elle doit renoncer à travailler les interactions précoces en profondeur mais elle doit faire en sorte que la femme qu'elle accompagne se sente mère de CE bébé là. Elle sème quelque chose qui aura le temps de germer par la suite. Elle a aussi un temps de consultation une matinée par semaine pendant lequel elle reçoit, à distance, les mères, les parents et leur bébé. Elle peut les recevoir seule ou en co-consultation. Ces rencontres ont lieu 2 à 3 mois après le départ de la maternité mais il arrive que par la suite l'équipe pense à des orientations de soin.

Marie s'interroge sur la place des pères dans tout ça. Céline répond que pour faire un bébé il est nécessaire qu'il y ait un autre mais que la fonction paternelle n'est pas obligatoirement tenue par le père, l'homme. Céline voit souvent les femmes seules mais parfois il faut passer par le père pour accéder à la mère et avoir ensuite accès au bébé.

Lyla rebondit en expliquant que ce que Céline décrit du bain allongé est très féminin et se questionne sur le fait que les papas puissent s'y retrouver. Céline explique que dans cet accompagnement, les parents et les soignants sont plus dans l'observation que dans la transmission de savoir et dans la co-parentalité. Les parents peuvent s'émerveiller des compétences de leur enfant.

Natacha nous évoque par la suite le cas d'une patiente qu'elle rencontre au CMP adulte. C'est une femme qu'elle rencontre lorsqu'elle vient d'avoir son bébé. Ses deux enfants sont tous deux placés. La patiente explique que lorsqu'elle a accouché de sa deuxième fille, elle a eu la sensation de perdre également ses jambes. Elle fait l'hypothèse que cette femme a besoin de la rencontrer dans ces périodes là car elle a besoin de prendre appuis sur elle pour restaurer sa posture de femme, elle trouve en elle un double, du même qui peut l'étayer dans son féminin. Elle qui se « remplit » pour vivre son féminin, à travers ses grossesses, voit à chaque fois ses bébés placés. Céline parle de certaines patientes qui ont des référentiels féminins phalliques, des mères en position surmoïque, ce qui a pour conséquence un féminin exprimé sur un versant séducteur qui ne peut parfois pas laisser la place à un féminin maternel.

Mathieu reprend la question du double, lui rencontre énormément de papas au sein de son poste en CMP. Ce sont eux qui accompagnent leurs enfants à leurs séances et plus rarement les mamans.

            Ce café a été très riche en apports théoriques et cliniques mais aussi en échanges. Nous avons pu voir à quel point la question du féminin, de la maternité, de l'émergence de la relation a pu mettre au travail la pensée de chacun. Pour continuer dans notre réflexion, nous vous proposons de nous retrouver le 5 février 2019, toujours au café de la cloche mais en compagnie de Sabine FRITIS -ARCAYAS avec qui nous parlerons de sa clinique auprès de femmes en difficulté dans leur tentative de grossesse qui ne parviennent pas à faire des enfants.
           
            Nous vous souhaitons une très bonne fin d'année à toutes et tous et de bonnes fêtes. 
A très vite.

Pour l'ARRCP,
Natacha Vignon et Lison Gilardot