Quelques mots du café-psychomot’ du 28 mai 2013
Hier nous étions douze
psychomotriciens réunis au Mondrian autour du thème : « Le cadre et
l’institution », continuant ainsi à réfléchir sur la question du tiers
dans notre travail de psychomotriciens, fil conducteur de nos rencontres de la
saison.
Pour aborder ce sujet,
Natacha Vignon et moi-même avions proposé la lecture d’un texte de Paul Fustier
« Cadre et Institution », in « les corridors du
quotidiens », et un autre de José Bleger « Le groupe comme
institution et le groupe dans les institutions », in « L’institution
et les institutions », collectif sous la direction de Kaës. Ces références
théoriques étant ardues, c’est avec l'aide d’un questionnaire auquel chaque
participant a répondu que nous avons introduit notre réunion. Ainsi il ne
restait qu’à faire des liens entre les données évoquées et les auteurs…
seulement cela : nous remercions au passage Natacha pour ses numéros de haute
voltige !
·
Dans quel type d’institution
travaillez-vous ?
·
Comment l’institution favorise-t-elle votre
travail clinique ?
·
En quoi le freine-t-elle ?
·
Participez-vous à des réunions institutionnelles
dans votre établissement ?
·
Quels autres étayages avez-vous mis en place
pour réfléchir le lien clinico-institutionnel ?
·
Comment définiriez-vous votre place dans
l’institution ? En quoi voudriez-vous la voir évoluer ?
Aran prend la première
la parole pour exprimer sa place au sein d’un Centre d’Education Motrice
accueillant des adolescents et jeunes adultes atteints de difficultés motrices,
mais aussi de troubles de l’image du corps et bien souvent de troubles
psychiatriques associés.
Aran présente toute la
richesse de l’institution, tant dans son équipe bien dotée que dans les locaux
et le matériel mis à disposition. Dans cette institution, la psychomotricité a
bien sa place, une place originellement élaborée par notre regrettée
Mademoiselle Fauvel qui a laissé son piano comme la trace du début de
l’histoire de la psychomotricité en ce lieu née il y a une cinquantaine
d’année.
Malgré l’assise de la
psychomotricité et l’éventail des locaux réservés à chaque professionnel, il
n’est pas rare qu’Aran soit intrusée par certains de ses collègues durant ses
séances. On peut comprendre l’effraction réalisée par l’entrée inopinée d’un
collègue durant une séance de relaxation… Avec la répétition du phénomène,
l’institution a trouvé d’elle-même une solution toute aussi indispensable que
basale : « on ne dérange pas un thérapeute qui a fermé la porte de
son lieu de soin ».
Dans sa réflexion,
Aran relie ces intrusions à l’absence d’un psychiatre coordinateur, l’ancien
ayant pris sa retraite et n’étant pas à ce jour remplacé. Cet ancien médecin,
surnommé « le kangourou » par notre assemblée du jour (veuillez
excuser notre liberté associative d’un soir!), accueillait beaucoup les doléances
de chacun. Il contenait l’institution. Une fois le kangourou et sa poche
partis, l’institution a tenté de trouver accueil auprès d’Aran la plaçant à une
fonction qui n’était pas la sienne.
Roussillon (in
« L’institution et les institutions ») parle bien de l’espace
« débarras », ou « remise » de l’institution. Lorsque
celui-ci n’est plus, en l’absence du médecin coordinateur, l’institution doit
bien trouver des espaces interstitiels non formels dans lesquels déposer sa
souffrance.
La configuration de
mon institution est bien différente de celle d’Aran.
L’histoire de la
psychomotricité dans le service est beaucoup plus courte, débutant il y a dix
ans.
Peu de moyens :
des locaux partagés avec d’autres membres de l’équipe, peu de matériel, et
surtout peu ou pas de formations acceptées faute de budget. Par contre un soin
relié à la formation et à la recherche du fait de l’entité-même du CHU. Donc
avec quelques pirouettes, un accès à la supervision, à la formation en donnant
moi-même quelques formations pour les budgéter. L’appartenance à deux réseaux
TCA, régional et national qui ouvrent ma réflexion à d’autres partenaires du
soin à distance de mon institution. L’ARRCP comme espace de réflexion partagée,
et l’écriture comme autre moyen pour me distancier de ma clinique pour la
penser mieux encore.
Le travail
pluridisciplinaire est passionnant, mais pas toujours simple. Si les
consultations que j’assure en binôme avec un psychiatre, ainsi que mon rôle au
sein de l’équipe en hospitalisation complète sont bien définies et fonctionnent
dans une entraide professionnelle certaine et continue, ma place dans l’équipe
de l’hôpital de jour est régulièrement mise à mal, avec une difficulté de
communication avec l’équipe infirmière qui revient périodiquement, nos
positions se rigidifiant, à l’image des patients que nous accueillons.
Natacha nous rappelle
les mots de Fustier, je le cite : « Si
le dispositif se maintient comme système d’invariants, certaines conditions
sont remplies pour que la personne accueillie y dépose des éléments primitifs
de sa personnalité. Le « monde fantôme » des membres de l’institution
va « doubler », de l’intérieur, les constantes du dispositif… Le
dispositif reçoit en dépôt la relation symbiotique mère-enfant, dans la
dimension que nous avons, à la suite de Winnicott, qualifiée à partir du système
dévotion-illusion. » On peut effectivement vivre alors le clivage
infirmières/psychomot’.
Une autre explication
qui ne contredit pas pour autant la première serait liée à l’utilisation
commune de médiations corporelles. Cela flouterait les limites des rôles
infirmiers et psychomoteur qu’il faut alors repréciser sous peine de voir
perdurer les attaques envieuses.
Suite à ces deux
présentations et à la quantité de travail clinique toujours augmentée, il se
peut que les temps formels de réunions clinique et institutionnelle ne
suffisent pas. On observe alors que beaucoup de communications se déroulent
dans les interstices de l’institution. Roussillon développe cette
« pratique interstitielle » qui demande de considérer le cadre avec
tact.
La troisième
présentation est celle de Sandra. Elle est double, travaillant dans un service
de psychiatrie adulte d’un hôpital public et dans un CMP /CATTP adultes
qui lui est rattaché, mais dépend aussi du pôle psychiatrique, mais aussi en
micro-crèche sur d’autres jours.
Jeune professionnelle,
depuis moins d’un an, Sandra a été mise en difficulté dès le début de sa
création de poste, devant prendre place dans la co-animation de groupes
thérapeutiques jusque-là animés par des infirmiers, et sans le savoir.
Nous avons déjà évoqué
l’histoire des institutions, mais Roland aborde plus largement l’importance de
découvrir la culture de l’institution dans laquelle nous travaillons. Il y a
des projets qui peuvent être pensés dans certaines et pas dans d’autres.
Enriquez (in « L’institution et les institutions ») nous dit bien
comment l’institution est faite de l’intrication de systèmes culturels, de
systèmes symboliques et de systèmes imaginaires.
Et pour Sandra, la
difficulté de comprendre ces systèmes a été que l’organisation de son institution
est faite de l’imbrication de sous-institutions. Découvrir cela demande non
seulement de la vigilance, mais aussi du temps !
Dans son travail
encore plus récent dans une micro-crèche tout juste crée, l’équipe cherche à se
rendre malléable pour accueillir tous les désirs des parents (horaires,…).
Comment organiser des groupes d’éveil lorsque certains des bébés n’arrivent pas
à l’horaire attendu… L’équipe souhaite que la crèche soit investie comme une
institution « dévouée » (Fustier), réagissant comme la jeune mère par
rapport à son enfant dans la préoccupation maternelle primaire. On ne peut que
souhaiter que cette jeune crèche évolue, comme la mère, vers la création de
petits décalages qui permettent peu à peu d’établir des règles de
fonctionnement structurant un cadre d’accueil et de travail plus contenant pour
tous, petits et grands.
Vous l’avez compris,
c’est dans la frustration que le rappel horaire nous a séparé : que
d’échanges passionnants…
Mais nous nous
retrouverons pour une saison 2013-2014 ! Et pour cela vous serez bientôt
invités à répondre à un sondage sur notre blog afin de connaître mieux vos
souhaits et de continuer à co-créer avec vous nos cafés-psychomot’.
Enfin, une dernière
info : vous êtes cordialement attendus le 10 juin à 19h30 salle 105 du bâtiment C de la faculté de
Grange-Blanche, où se déroulera notre assemblée générale.
Et bon été à ceux qui
ne pourront être présents !
Odile Gaucher-Hamoudi
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