L'Association de Réflexion et de Recherche Clinique en Psychomotricité de Lyon et sa Région vise à promouvoir la recherche clinique en psychomotricité par divers moyens notamment : l’organisation de séminaires, colloques, groupes de réflexion. Soutenir des projets individuels ou collectifs de recherche sur la clinique psychomotrice, favoriser et/ou rechercher la collaboration avec des structures à même d’apporter une contribution directe ou indirecte au but poursuivi par l’association et tout particulièrement avec l’Institut de Formation en Psychomotricité de Lyon.
Elle s’adresse à tout psychomotricien désireux d’engager un travail d’approfondissement théorico-clinique, quel que soit son champ d’exercice professionnel ou son référentiel théorique et clinique.
Susciter les échanges, favoriser le débat entre psychomotriciens, soutenir la réflexion et la recherche à propos de la pratique, telles sont les ambitions de l’ARRCP Lyon et région. Dans cet objectif, l’association mise sur l’engagement de ses membres dans une démarche qui consiste à se confronter aux difficultés et aux doutes rencontrés dans la clinique, à approfondir ses intuitions cliniques, à les arrimer à des concepts théoriques, à transmettre et discuter les résultats de ses travaux.

mercredi 2 novembre 2016

Un aperçu du Café Psychomot' du mardi 11 Octobre 2016

C'est sur la mezzanine du Macanudo qu'Emmanuelle Blanc et moi nous sommes essayées à un jeu de question-réponse pour ce premier café psychomot' de la saison. 

      A partir de la lecture d'un texte qu'elle avait rédigé à l'occasion d'une journée de réflexion «   L'artiste dedans, dehors » à l'hôpital de Saint Jean de Dieu, Emmanuelle nous présente son travail, avec Alexandre Roccoli  danseur et chorégraphe,  et deux collègues (infirmière et éducatrice spécialisée) dans un atelier danse, en hôpital de jour pour enfants.
Le dispositif a été très soutenu, par le médecin chef du pôle de pédopsychiatrie et la chargée de développement culturel de l’hôpital, ainsi que l'ensemble de l'équipe de l'hôpital de jour où il s'est déroulé. Un rassemblement « sans faille » nous dit Emmanuelle.
Entre réflexion sur le projet et le début de l'atelier il s'est écoulé un an. L'atelier danse aura duré huit mois.
Cinq enfants dont les indications sont réfléchies en équipe y participent.
L'atelier a lieu chaque semaine, mais Alexandre n'y est présent qu'une semaine sur deux. En son absence le  groupe se réunit autour d'un support graphique « révélateur et témoin de ce qui fait trace de l'expérience avec Alexandre, comme de l'expérience de son absence ».
Le dehors a été convoqué de différentes manières nous dira Emmanuelle :
Par la présence d'Alexandre  lorsqu'il était là. 
Et par l'imaginaire, « la rêverie groupale nous invitait à devenir de grands voyageurs ; nous survolions l'Europe, nous nous reposions au sommet de la Tour Eiffel, peut -être pour nous rapprocher de l'absent et de son port d'attache : Paris. »
Et par les passages du dedans de l'hôpital, au minibus, conduisant le groupe en dehors de l'hôpital, moment repéré comme angoissant, effractant pouvant attaquer dans le fantasme la peau groupale, « un véritable travail de préparation, d'anticipation, de reprise pour tenter d'accompagner, de contenir ou de se représenter les mouvements (...) »
Moment où Emmanuelle nous raconte comment elle a pu sentir l'effroi d'Alexandre « comme de ses interrogations et des abattements face à cette horde informe et chaotique que représentait le groupe (…) question latente, exposée, confrontée et parfois conflictuelle. »

Le dedans et la métamorphose
Emmanuelle nous parle des corps des enfants, dans la verticalité trop agitante au début et d'un nécessaire retour au sol « (...) ils s'y rassemblent, s'y ramassent, au sens propre comme au sens figuré. Les enfants se « dé-pensent » ».
Les improvisations partent de l'expression corporelle des enfants et les adultes suivent, accompagnent, rejoignent.
Le groupe évolue et les demandes de portage et d'enveloppement se font sentir « le groupe réclame à redéfinir ses contours et cela passe par l'articulation du corps propre au corps groupal. L'atelier devient le lieu depuis lequel un rapport au monde peut s'amorcer. »
Emmanuelle nous donne aussi les mots d'un enfant « je sens ma tête attachée à mon corps ».
Rampés, ondulations, quatre pattes pour s'ériger et permettre « l'envol des enfants, surtout dans les bras attracteurs d'Alexandre », les images motrices, animales, végétales, arrivent dans les mots d'Emmanuelle comme autant de support à rêver et porter physiquement et psychiquement les enfants «  le corps dansé est un corps vivant, habité, malléable ».
Progressivement « il devient possible de rêver et de jouer à être « un autre ». Il devient possible de partager un même espace (...).
Emmanuelle nous dit aussi combien la médiation du dessin en l'absence d'Alexandre, « va révéler et figurer toutes ces évocations » et termine la lecture de son texte par le rendez-vous donné aux parents des enfants à un goûter, moment désiré par ces derniers et pendant lequel les dessins sont exposés « telle une fresque qui tapisse les murs et témoigne indirectement de notre expérience groupale ».
« Les enfants improvisent, devant cette assemblée, une forme de spectacle, restituant de façon magistrale ce qui fait trace pour eux »... permettant l'expression des émotions et mots des parents.

J'ai écouté avec empathie et envie Emmanuelle. Je la laisse reprendre son souffle et tranquilliser sa voix, fatiguée depuis deux-trois jours … Sur nos fauteuils, face à face, nous allons échanger. J'ai avec moi, le texte d'Albert Ciccone sur la conflictualité des modèles pluridisciplinarité, interdisciplinarité et transdisciplinarité.
Natacha : « J'ai eu une image, celle du travail préparatoire à la réalisation du projet, comme celle d'une gestation et de parents porteurs d'un désir »
Emmanuelle me répond combien effectivement il y a eu de la transmission, d'abord parce que la rencontre avec Alexandre est ancienne, parce qu'ils se sont rencontrés dans la danse. Emmanuelle était danseuse et comédienne avant de devenir psychomotricienne.
Ils se sont choisis pour ce projet et Alexandre avait une « curiosité bien placée pour la psychiatrie »
Ensuite parce que le médecin chef aime la danse et l'art en général.
Et que le croisement avec le service culturel de l'hôpital a été soutenant.
Il fallait probablement que tous ces désirs se rencontrent...

Natacha : « il y a du mouvement et du déplacement dans ta narration. Les images motrices sont de cet ordre. »
Emmanuelle me répond combien effectivement c'était l'objet du travail, se mouvoir, prendre l'espace et que souvent en l'absence d'Alexandre les enfants tournoyaient, alors qu'en sa présence il devenait objet attracteur et érecteur.
Elle se souvient à voix haute, combien le moment du passage jusqu'au minibus avait fini par se faire en mettant les mots en veille, les enfants avançant de quelques pas, certains reculant et les adultes faisant de même, pour que puisse s’ajuster, dans le chaos du départ, une direction commune.

Natacha : « quel regard portait Alexandre, le danseur, sur les corps dansants ?»
Emmanuelle parle de cet enfant « le petit derviche tourneur » qui fascinait Alexandre et son regard sur le mouvement. Il inquiétait Emmanuelle et ses collègues quant à l'enfermement dans lequel elles avaient l'impression que cet enfant se mettait.

Natacha : «  cela me fait penser à vos places différenciées, à ce que tu nommes de l'effroi d'Alexandre et les moments de conflictualité entre vous et à ce qu'Albert Ciccone écrit dans son article sur la transdisciplinarité qui contient une conflictualité créatrice, qui protège du risque de fourvoiement dans l'omnipotence idéologique »
Emmanuelle me répond que les conflits, les positions et regards différents ont toujours pu être parlés entre eux et qu'Alexandre avait la place de celui qui pouvait s'écarter, s'éloigner.
C'est aussi de cette place qu'il pouvait par exemple dire que certaines attitudes, se voulant  éducatives ou thérapeutiques,  pouvaient lui faire violence.
Mais surtout que sa liberté et sa spontanéité donnaient aussi de l'air, de la respiration aux mouvements internes qui traversaient chacun.
Emmanuelle parle de Fernado Pessoa « Le livre de l'intranquillité » qui la porte beaucoup et qu'elle a amené ici avec elle.

Natacha : Ciccone parle dans la transdisciplinarité « d'une position d'humilité, de doute, une mise en suspens du savoir ». Peut-être sans vous perdre, il y avait suffisamment de même entre vous (la pâte commune de la danse), pour que vous puissiez chacun lâcher votre « technicité »...
Emmanuelle dit que peut-être cela peut sembler idéal, mais que ça l'a été et que deux ans après, c'est aussi comme cela qu'elle se souvient de ce travail de partage, tout comme des trajets quand elle ramenait Alexandre à son train après le groupe : un espace-temps pour se parler de l'atelier, mais aussi d'autres choses...
Un trajet pour se décoller et se différencier aussi…

Mon interview aurait pu durer des heures mais il est aussi temps d'écouter les autres psychomotriciens présents et leurs réflexions.

Odile évoque des images de rêve, de magma et de chaos, «  les vers de terre ». Elle interroge aussi la temporalité et l'alternance entre les temps de séances et les temps de dessin, comme le temps de reprise, de représentation.
Emmanuelle rappelle que ce postulat de départ  a dû être pensé d'emblée car il était directement lié au réel et au budget ne permettant pas la présence d'Alexandre toutes les semaines.
Pour elle, ça a opéré un véritable travail sur la séparation et la perte sans fracas car l'entre-deux, la rythmicité était un moment d'attente pour les enfants. Il a aussi fallu mettre en corps autour du dessin...

Cécile nous rappelle que l'artiste qui vient de l’extérieur, vient toujours questionner et interroger, aérer.
La transdisciplinarité qui convoque l'extérieur proposerait peut-être aussi l'aire de jeu et le squiggle se demande Emmanuelle.

Denis pose un « c'est l'enfer ce groupe au début », un boxon qui rate et qui vient en  contrepoids de la créativité amené par les adultes et que celui qui vient de l'extérieur c'est celui qui vient pointer les endroits où ça va pas.
Emmanuelle se rappelle alors qu'à partir du moment où Alexandre dit la violence que cela lui fait, elle propose que les mots se fassent silencieux.

Martin, lui, reprend la question de la gestation et d'une position paternelle en interrogeant Emmanuelle sur ce qu'Alexandre venait chercher en étant là.
Il était en train de chercher le « playing » et la co-construction. Il y a eu à reparler d'un mouvement qui vient de soi.

Mathieu, dit que lui pourrait peut-être vivre la rencontre avec le chaos en allant voir un spectacle de danse contemporaine ! Il associe avec le travail de passeur et de conteur d'Emmanuelle qui permet à Alexandre de rentrer dans ce monde de fou.

Nous parlons aussi de la notion de culture et comment l'institution a un projet qu'elle construit, où il y a du commun, du solide et du sens.
Lila rappelle la naïveté du danseur qui lui permet d'oser.
Emmanuelle dit aussi « se laisser impressionner par l'autre ».

Stéphanie se demande si ça n'est pas le lâcher-prise qui permet justement de lâcher la toute-puissance et l'idéal du bon danseur, du bon thérapeute.

Emmanuelle nous parle pour terminer, de l'après groupe et des enfants qui ont questionné un an encore après ce travail,  une manière de re-vivre l'expérience ? (Alexandre a d'ailleurs donné des nouvelles et puis il y avait les images filmées par lui de manière transgressive!).

Et pour finir un extrait de « Pina Bausch, histoires de théâtre dansé »
« Une plainte d'amour. Se souvenir, se mouvoir, se toucher. Adopter des attitudes. Se dévêtir, se faire face, déraper sur le corps de l'autre. Chercher ce qui est perdu, la proximité. Ne savoir que faire pour se plaire. Courir vers les murs, s'y jeter, s'y heurter. S'effondrer et se relever. Reproduire ce qu'on a vu. S'en tenir à des modèles. Vouloir blesser. Protéger. Mettre de côté les obstacles. Donner aux gens de l'espace. Aimer »
Raimund Hoghe/Ulli Weiss Edition de L'Arche, 2014.

 Références données par Emmanuelle :
Fernando Pessoa « Le livre de l'intranquillité.
Paroles de praticiens en institution, Cliniques Nr 3 « Les enjeux de la pluridisciplinarité », Edition Erès.
  
Natacha Vignon pour l'ARRCP

Colloque AFDAS-TCA, "Du corps à la rencontre", les 9 & 10/06/17, Lille

Les Rencontres

Sixièmes journées
« Du corps à la rencontre »

LA SENSORIALITE DANS LE SOIN A MEDIATION CORPORELLE DES PATIENTS SOUFFRANT DE TCA 

Vendredi 9 et samedi 10 Juin 2017

Faculté de Médecine et Maïeutique
56 Rue du Port

                              59800 LILLE

Argumentaire :

 Les anorexiques et les boulimiques attaquent d’autant plus violemment leur corps que leur mal-être s’enracine à une époque lointaine, autour de la périnatalité, ou que ces sujets ont subi, dans leur histoire, des traumatismes répétés. Il en demeure alors une trace psychocorporelle. C’est-à-dire une trace qui s’inscrit à la fois dans la mémoire de l’enfant, souvent refoulée, et dans la mémoire « corporelle » que les stimulations sensorielles, telles que les odeurs, peuvent éveiller.
Les stimulations sensorielles résonnent puissamment avec la mémoire et les émotions et jouent un rôle majeur dans la mise au travail psychique.
Mais les soins à médiation sensorielle modifient aussi l’éprouvé corporel, contribuant à restaurer une sécurité intérieure sur laquelle les personnes souffrant de TCA pourront s’étayer pour renaître à la vie.
Ce colloque propose aux professionnels un voyage qui partira de la philosophie, pour ensuite expérimenter, via les ateliers sensoriels, des éprouvés corporels qui enrichiront leurs pratiques.

Pour obtenir le programme complet et le bulletin d'inscription, veuillez suivre ce lien :