L'Association de Réflexion et de Recherche Clinique en Psychomotricité de Lyon et sa Région vise à promouvoir la recherche clinique en psychomotricité par divers moyens notamment : l’organisation de séminaires, colloques, groupes de réflexion. Soutenir des projets individuels ou collectifs de recherche sur la clinique psychomotrice, favoriser et/ou rechercher la collaboration avec des structures à même d’apporter une contribution directe ou indirecte au but poursuivi par l’association et tout particulièrement avec l’Institut de Formation en Psychomotricité de Lyon.
Elle s’adresse à tout psychomotricien désireux d’engager un travail d’approfondissement théorico-clinique, quel que soit son champ d’exercice professionnel ou son référentiel théorique et clinique.
Susciter les échanges, favoriser le débat entre psychomotriciens, soutenir la réflexion et la recherche à propos de la pratique, telles sont les ambitions de l’ARRCP Lyon et région. Dans cet objectif, l’association mise sur l’engagement de ses membres dans une démarche qui consiste à se confronter aux difficultés et aux doutes rencontrés dans la clinique, à approfondir ses intuitions cliniques, à les arrimer à des concepts théoriques, à transmettre et discuter les résultats de ses travaux.

samedi 20 février 2016

Un aperçu du Café Psychomot' du mardi 9 Février 2016

         
Le 9 février, c'est avec Emmanuelle Ormazabal que nous avons déambulé pour notre 2ème café psychomot' de la saison sur le thème de l'espace.

         Emmanuelle nous parle de son parcours et son inscription dans son institution, nous contant aussi l'histoire et l'ancrage dans la ruralité de son lieu d’exercice, aujourd'hui devenue une maison de retraite, situé ni plus ni moins à Saint Amour !
L'espace existe avec le support de l'institution, de son histoire et de ses mythes, mais aussi de son architecture.
Emmanuelle nous parle très vite du soutien et du dynamisme de la directrice, prête à déplacer des montagnes.
Nous allons ainsi nous balader de l’apothicairerie, au vieil hôpital avec son bâtiment en U, en croisant les collègues et les patients âgés, ayant des troubles cognitifs et de la personnalité.

Emmanuelle nous parle de faits déclenchant pour évoquer sa pratique évolutive :
*la violence mise en acte et en mots par les collègues soignantes d'un monsieur qui griffait, tapait lors des moments de toilette.
*le regard sur ce patient et les questionnements sur comment établir une relation avec une personne démente.

Puis est venu le temps des observations : la technicité de ses collègues, le vécu d'intrusion des patients , pour tenter d'établir d'autres codes de communication. .

Emmanuelle a donc commencé son travail en suivant ces personnes qui se perdaient (jusqu'à perdre leur intégrité corporelle ), en déambulant avec eux, à côté, contre, parfois une main sur l'épaule.
Ces déambulations de couloirs se terminaient alors face à la porte coupe-feu, la butée.
Le travail sur la mémoire du corps amène Emmanuelle à penser à la sensorialité de la musique, du visuel, du tactile et les traces mnésiques (ou pour le dire autrement sentir d'anciens ressentis, re-sentir des ressentis), recréant suffisamment de confiance en elles pour que ces personnes puissent se reposer de leur angoisse d'une perte permanente et répétée.

Parallèlement à sa clinique, Emmanuelle va s’intéresser de plus près au concept Snoezelen qui fait le pari de la sensorialité pour recréer des stimulations permettant la relation et se former à cette approche dont elle parle comme une philosophie, une façon d'être et non de faire. Équipée d'un panier garni d'objets aux qualités sensorielles multiples,  c'est d'abord ainsi qu'elle va promener avec elle sa philosophie, en se laissant guider par les patients.
Ne pas faire et ne pas attendre de résultat, voilà qui n'est pas facile dans une institution, qui pourrait aussi se rendre dépendante de celle qui y arrive.
La demande de formation des collègues d'Emmanuelle émergera suite au don reçu par la maison de retraite d'une somme d'argent permettant de construire une salle de bain Snoezelen.
Les représentations évoluent, d'un amas de chair et d'os, à une barbe à papa, l'image du corps des patients semblent se reformer et des ressentis peuvent se verbaliser à nouveau.
On commence à s'en douter, nous, en écoutant Emmanuelle, que l'aventure ne va pas s'arrêter là et que l'espace du possible a encore à se construire.
Et hop retour vers le couloir, celui sans issue, transformé en bambouseraie le longs des mains courantes, et équipé de fauteuils pour se poser. L'errance des patients a alors pris fin faisant chuter les attaques de panique, la tension.
L'institution-mère accouche d'un important projet d'une UP de 1000m2 pour 24 chambres avec toute une réflexion sur les couleurs, sur la circulation possible tournante mais ne s'arrêtant pas, sur des endroits vides et une salle de 40 m2 toujours ouverte...

La trace, la répétition du sensoriel dans le corps ont fait baisser l’angoisse, la panique réveillant ou reconstruisant une continuité, un ça a déjà existé...

Emmanuelle nous embarque pour terminer son cheminement et celui des patients, dehors, dans le jardin sensoriel aux zones sonores, olfactives, cocooning, prenant sens et toujours accessibles de jour comme de nuit.
Et pour conclure à travers cette philosophie l'importance d'arrêter de faire pour laisser place aux espaces du possible...

Le possible de nos échanges commence par Odile nous rappelant son lien professionnel et affectif avec Emmanuelle et de leurs réflexions alors qu'elles travaillaient toutes deux dans une institution gériatrique, autour de la déambulation comme façon d'être avec les patients déments et d'une fonction tiers par aller-retour, tâtonnements d'Emmanuelle.

Je propose que l'on mette en débat la question de ces lieux Snoezelen  dont nos institutions peuvent fleurir et de l'aspect magique que l'on peut leur conférer.
Et je repense aux bambous du couloir qui ne sont pas thérapeutiques en eux, mais que c'est bien la rêverie d'un autre sur le lieu et sur la manière dont les patients peuvent se l'approprier combiné au réel de l'espace qui produit des effets thérapeutiques.
Emmanuelle me rappelle que l'institution doit être prête à philosopher et que dans le cas de son institution il s'agit bien d'une institution en mouvement.

Joséphine s'interroge sur ce qui va faire que dans cette institution cela va devenir contenant et faire trace par rapport au lieu de vie précédent des personnes accueillies.
Emmanuelle parle de la pensée étayante et partagée de cette équipe et d'une présence perpétuelle… Et de la nécessité dans « le monde de la démence » d'un projet de soin partagé.

Mélanie évoque son intérêt pour le lien pensé entre l'espace intérieur et extérieur et fait le parallèle avec sa clinique avec des patients SDF. Elle parle d'oser expérimenter le travail sur les éprouvés du non-hérmétique des espaces qui peuvent rester ouverts, peut-être comme une figuration de ce qu'elle peut percevoir du décalage entre l'organisation d'un lieu de vie et le chaos interne de ses patients.

Martin évoque ce qu'il ressent d'un paradoxe entre la sensorialité qui existe de partout et la salle Snoezelen, fermée, qui, dans, les représentations institutionnelles serait soignante en soi.
On se rappelle alors que l'institution en elle-même peut être vécue comme un lieu enfermant car fermé... Comme la salle Snoezelen pourrait l'être pour Martin...

Pour terminer cette philosophie de l'échange (Platon et Socrate se seraient ils invités?), Odile va nous raconter une drôle d'anecdote sur Emmanuelle qui avait ramené chez elle un patient qui s'était logé dans le coffre de sa voiture... !

Comme quoi, il y a aussi les traces qui sont les nôtres  et des abris que l'on peut faire en nous pour l'autre...


Natacha Vignon et Odile Gaucher pour l'ARRCP.