Un aperçu du Café Psychomot' du mardi 24 Février 2015
Cécile Mottet nous embarque, une vingtaine
de psychomotriciens, au Mondrian, ce mardi 24 février pour ce deuxième café
psychomot sur le thème de la temporalité en psychomotricité.
Autour de Melle A, une patiente
cérébro-lésée en conséquence d'une chute vertigineuse du 3ème étage quand elle
avait 18 mois, Cécile nous raconte avec force et authenticité l'hyper flot
narratif de ses écrits post-séances, comme moyen pour « faire du
temps » face au traumatisme.
Nous y serons avec Cécile, quand elle nous
décrit sa rencontre avec Melle A, âgée maintenant de 25 ans, dans un FAM pour
adultes polyhandicapées, quand elle est au prise avec l'irreprésentable et la
répétition « ad libitum de vécus qui ne réussiraient pas à
s'inscrire dans son corps ».
L'indication du suivi en psychomotricité
concerne les difficultés de Melle A à pouvoir se repérer dans le temps, demande
émanant du médecin, de l'équipe et même des parents.
Cécile nous dit qu'elle ne pourra pas se
saisir de cette indication tellement elle est débordée, sidérée parce que Melle
A lui donne à voir. La raconter serait
presque une « gageure », et il manquerait toujours quelque
chose pour la décrire.
« Je ne vous dirais jamais assez pour
l'évoquer, c'est comme un manque permanent ».
Les très nombreuses chutes répétées de
Melle A pendant de nombreux mois, imparables,
insoignables, conduisent Cécile à un harassement, à des vécus d'elle-même hors
sensation et à une écriture presque intarissable des séances pour se tenir dans
ce péril clinique.
« Tout ce qui est élaborée à propos
de cette patiente semble revenir inlassablement autour de la chute traumatique,
du traumatisme familiale, de la culpabilité, de la honte et de la mort ».
Cécile se réfère à Ferenczi qui, à propos
du traumatisme, dit « il y a que l'analyste ne peut se représenter
l'impensable de l’événement traumatique et qu'il ne peut secourir le patient en
cet endroit et que c'est ce deuil qui est à faire et de l'ennui qui peut
apparaître chez le thérapeute comme de l'impossible être dans une même pensée,
dans un partage d'éprouvé ».
La sidération et le traumatisme deviennent
liés et suspendent le temps et l'inscription.
Cécile s'appuie aussi sur le texte de Denis
Mellier « l'intégration psyché-soma et le temps de l'intrigue, ce que
nous apprennent les bébés », qui cite Daniel Stern et la notion de trame
temporelle d'éprouver, une expérience qui se construit dans un événement
affectif.
L'écrit d'après-séance prend donc la forme
d'une trame temporelle où les actions pendant la séance sont associées à un
contenu psychique dans les écrits.
Et puis voilà qu'une intruse va s’inviter
lors d'une séance, une araignée. Cécile nous fait alors l'aveu de sa phobie de
ces insectes et de ce qui va se passer alors : toute son attention va
converger vers le contrôle des déplacements de l'insecte et la gestion de sa
propre peur, Melle A se retrouvant un peu loin alors des préoccupations
psychiques de Cécile.
La séance araignée semble avoir agi comme
un saisissement pour Cécile de ses propres peurs et de Mlle A qui perçoit cela
permettant alors le dépassement de la sidération par le partage d'un
affect : la peur.
Jouer la peur deviendra alors possible et
Melle A de dire « nous avons bien joué ».
Cécile reprend Stern au travers de Denis Mellier
qui parle de « l'intrigue qui donne trame à un vécu émotionnel (...). La
narrativité est à entendre comme fondée sur l'existence d'une
« intrigue », d'un mouvement qui ordonne dans un immédiat après -coup
des événements séparés. »
Cécile continue toujours à recevoir Melle A
qui commence à pouvoir mettre en acte les scénarios joués précédemment, « la
peur aurait donc permis que fasse un peu trace le souvenir. » « La
temporalité se déroule toujours dans le présent, mais les incohérences se font
moins présentes, son passé parfois se raconte, d'une manière étrange, mais il
se raconte ».
Pour conclure Cécile nous rappelle que
c'est en allant avant tout s'appuyer sur ses sens que la narration a pu prendre
forme et que le temps a pu commencer à se penser et de nous interroger sur
l'effort particulier que demanderait nos écrits d'après séances, dans
l'attention qu'on y porte, dans l'impression que l'on y met...
Après cette très riche présentation de
Cécile, nous allons échanger et Odile, commence par nous parler de l'image de
la toile d'araignée, et du travail intéressant d'Albert Ciccone sur la
narration des séances qui permet ensuite la réflexion et l’interprétation de ce
qui s’y joue.
Cela me fait associer moi à la construction
d'un conte, en deux temps : celui
de l'écriture affective et celui de la théâtralisation dans la relecture.
Joséphine propose une analogie entre
sidération et arrêt.
La séance de l'araignée nous donne à penser
du côté d'un fil de toile, d'un affect partagé, d'une relance émotionnelle.
Martin questionne Cécile sur les effets
d'avoir évoqué la situation clinique de Melle A dans différents espaces (groupes
d'élaboration-séminaire d’écriture) et sur des changements dans ses prises de
notes après cela.
Cécile parle d'une histoire qui se raconte
comme elle peut.
On parle également des personnes âgées et
de la démence avec lesquelles la question de l'émotion est hyper présente dans
le partage. Des liens entre le sensoriel et l’émotionnel se tissent même quand
le cognitif ne permet plus à la pensée d'organiser le vécu...
Sans l'émotion, le récit serait plat.
Roland revient à nouveau sur la séquence de
l'araignée qui selon lui vient révéler comment on est mis à mal dans
l'attention bienveillante qu'on accorde à l'autre, parfois pas loin de
l'emprise. Ce serait alors comme un moment de lâcher-prise, un petit espace qui
permet à l'autre de se saisir de nous, alors que nous ne sommes plus dans une
toute bienveillance. Il parle de l'exemple de Stern et du reflet du soleil sur
le sol, et de la mère, avec son enfant,
qui vient permettre l'accès au symbolique en amenant en quelque sorte
l'idée de perte d'une émotion qui ne pourrait pas être saisie dans toute ses
dimensions, ce qui fait pour Roland, lui rappelle ce que Cécile des bouts de
Melle A et de ce qui lui manque.
Des images cinématographiques et presque
mythologie sont amenées avec le personnage de Matrix et des différents codes
qui permettent de constituer une histoire.
Pour Cécile, la mise en mots pendant la
séance n'a pas servi la clinique, ce qui pourrait apparaître comme une
ambivalence au vue de son écriture faite de beaucoup de mots.
Martin s'interroge sur le traumatisme qui
pourrait venir mettre à distance l'émotion jouée, la mimogestualité.
Denis, amène lui, l'image de la
déambulation pour être dans une écoute passive : ça serait comme se
promener dans la séance et le travail de déambulation sensorielle, imaginaire
précéderait la surprise.
Nous terminons nos échanges sur nos écrits
post-séances pour survivre, pour servir la symbolisation lorsqu'il y a trop de
vide, comme une réponse à nous-mêmes.
Les écrits parfois dans les institutions
perdent de la substance et deviennent mortifères avec cette nécessité de tout
écrire pour être professionnel.
Alors se rappeler que ça n'est pas un
absolu et que ça n'est pas parce qu'on écrit qu'on pense...
Mais écrire, n'est-ce pas laisser une
trace... ?
Un grand merci à Cécile pour sa
présentation et ses peurs avouées.
Les phrases italiques entre les guillemets
sont des extraits du propos de Cécile.
Pour information, les deux textes cités en
référence dans la présentation de ce café sont trouvables sur le site du CAIRN.
Le prochain café psychomot’ se déroulera le
28 avril, toujours au Mondrian, toujours sur le thème de la temporalité, mais
dans la séance. Vous trouverez prochainement sa présentation sur le blog.
pour l'ARRCP, Natacha Vignon.
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