L'Association de Réflexion et de Recherche Clinique en Psychomotricité de Lyon et sa Région vise à promouvoir la recherche clinique en psychomotricité par divers moyens notamment : l’organisation de séminaires, colloques, groupes de réflexion. Soutenir des projets individuels ou collectifs de recherche sur la clinique psychomotrice, favoriser et/ou rechercher la collaboration avec des structures à même d’apporter une contribution directe ou indirecte au but poursuivi par l’association et tout particulièrement avec l’Institut de Formation en Psychomotricité de Lyon.
Elle s’adresse à tout psychomotricien désireux d’engager un travail d’approfondissement théorico-clinique, quel que soit son champ d’exercice professionnel ou son référentiel théorique et clinique.
Susciter les échanges, favoriser le débat entre psychomotriciens, soutenir la réflexion et la recherche à propos de la pratique, telles sont les ambitions de l’ARRCP Lyon et région. Dans cet objectif, l’association mise sur l’engagement de ses membres dans une démarche qui consiste à se confronter aux difficultés et aux doutes rencontrés dans la clinique, à approfondir ses intuitions cliniques, à les arrimer à des concepts théoriques, à transmettre et discuter les résultats de ses travaux.

lundi 16 décembre 2019

Un aperçu du Café Psychomot' du 05 novembre 2019



           Pour débuter notre année de réflexion autour du bilan, nous nous sommes retrouvés le mardi 5 novembre au comptoir Béline. C'est Raphaël Vonsensey, psychomotricien en libéral et responsable de formation à l'IFP de Lyon qui ouvre la saison en nous faisant part de son rapport au bilan et de son évolution au fil des ans.

            Raphaël nous avait soumis trois textes en lecture afin de mettre en lumière la dichotomie actuelle entre psychomotricité fondée sur les preuves et psychomotricité relationnelle.  Si le texte de James RIVIERE avait été proposé par Raphaël dans le but de provoquer des réactions de notre part, il nous exprime se retrouver beaucoup plus facilement dans celui écrit par Jérôme BOUTINAUD et All. Toutefois Raphaël exprime que ni la notion de psychomotricité fondée sur les preuves, ni celle de psychomotricité relationnelle ne lui conviennent complètement, s'il y a des éléments intéressants dans chacune d'elle, il est délicat de se retrouver totalement dans l'une ou l'autre vision.

            Raphaël nous propose alors plusieurs des questionnements qui le traversent. S'il est entendable de parler de preuves en médecine voire même dans des rééducations telles que l'ergothérapie, comment faire en psychomotricité ? Comment scientiser une pratique qui ne peut pas l'être ? Cette dichotomie entre deux visions fait aussi écho à celle qui pouvait être présente entre les différentes écoles de psychomotricité qui, selon leur localité, avaient des approches divergentes fondées sur la scientisation ou sur la psychologie. Pourquoi faudrait-il choisir un camp et s'inscrire totalement dans des termes que nous ne pouvons pleinement investir ? Comment construit-on notre identité professionnelle entre ce que l'on nous enseigne dans les écoles et ce que nous cherchons par nous-même par la suite ?
Raphaël est lui aller chercher ailleurs, vers ALBARET ou d'autres auteurs, tel un adolescent se rebellant contre « l'enseignement parental ». Il nous parle ensuite de ses collègues de promo qui sont actuellement cadre, directeur d'école, rédacteur de thérapie psychomotrice... ce qui montre qu'une évolution, une ouverture est possible par la suite en dépit des divergences initiales de formation.

            Raphaël nous fait ensuite une présentation rapide de sa carrière et de son lien au bilan. Son premier poste est en hôpital de jour auprès d'enfants très déficients pour lesquels les bilans standardisés ne sont pas forcément pertinents, il reste donc avec son baguage « de base » (Marthe-Vyl / Bucher...). Il travaille ensuite en libéral ce qui l'incite à s'intéresser aux bilans standardisés. Ce qui marque un tournant pour lui est la présence d'un pédopsychiatre en CMPP qui le pousse à travailler sur ces bilans. Il décortique alors cet outil lui-même car il n'y a pas de budget pour se former. La question se pose alors de pouvoir uniformiser, créer un document, un test qui puisse être coté et utilisé par tous mais est-ce possible ? Peut-être pour le bilan mais pas en ce qui concerne la pratique.

            Raphaël a passé sa MESP dans une institution, un lieu de soin. Lorsqu'il encadre les premières MESP, en tant qu'examinateur, il est marqué par le fait que les étudiants le rassurent en lui disant qu'ils seront bien en relation avec les patients. Sauf que le patient en question quitte la salle d'examen et que les étudiants ne maîtrisent pas du tout le bilan... Il est effectivement important de parler de la relation lorsque l'on parle du bilan car c'est généralement la première rencontre entre le psychomotricien et son patient. Cependant le bilan est également là pour déterminer s'il y a un besoin de suivi et donc pour avoir une observation relativement objective de la personne et de ses troubles. C'est dans cette optique là que la standardisation paraît être intéressante car elle permet, en cadrant l'observation, de limiter les variables parasites. Avoir la même consigne, le même matériel pour tous les psychomotriciens et tous les patients permet de pouvoir dire que les variations observées appartiennent au sujet en présence. Cela offre la possibilité d'avoir une photo nette de la personne où elle en est à l'instant T et de se rapprocher le plus possible du « score exact ». La standardisation offre une harmonisation des notes qui permet d’avoir une observation objective.
Les étudiants lui demandent souvent comment faire pour un enfant qui refuse, qui s'oppose et sera donc en échec sur tout, il sera forcément pénalisé par la standardisation...  Pour Raphaël, la cohorte utilisée pour établir les tests se base sur un ensemble suffisamment large comprenant des enfants qui ont pu s’opposer pendant les épreuves. Les scores prennent en compte cette éventualité.
Il lui est aussi parfois dit que l'opposition à l'utilisation des tests standardisés vient du fait de ne pas vouloir mettre les enfants dans des cases. Ce à quoi il répond que les enfants sont déjà dans la case de ceux qui ont besoin de passer un bilan psychomoteur. Cela permet juste de savoir où ils se situent dans cette case qu'ils occupent.

            Les protocoles des tests standardisés sont très détaillés, on pourrait alors se poser la question de notre spécificité. Une personne sans formation particulière qui travaille le bilan pourrait-elle être apte à le faire passer ? Que pouvons-nous apporter par notre approche spécifique ? Notre rôle est de mettre en lien les scores objectifs obtenus et les observations que nous avons pu faire mais également de recouper les différents scores les uns avec les autres. Cette mise en perspective n'est possible que par la pratique et l'expérience. Selon Raphaël, le bilan est un acte de participation au diagnostic médical.

            Raphaël nous rapporte ensuite les propos de Laurence VAIVRE DOURET qui dit que les psychomotriciens utilisent des bilans venant de la médecine, de la psychologie ou de l'ergothérapie mais que pour autant nous sommes ceux qui nous plaignons le plus de nous faire « piquer » notre boulot et nos tests (NPmot' et DF-mot). La richesse de notre profession réside dans les liens que nous pouvons faire entre les résultats obtenus et nos observations pour avoir une approche différente des autres professions. Ce qui rejoint les propos de D. COURBERAND qui définit la psychomotricité comme étant « un travail interprétatif entre le corps qui montre et le corps qui cache ».

            Raphaël conclue son intervention théorique en nous expliquant que, selon lui, l’intérêt de la cotation serait de refaire une évaluation quelques temps plus tard afin de comparer et mesurer l'évolution de l'enfant. Si un enfant passe d'un résultat de -14 écarts types à -5 écarts types alors peut-être qu'il est pertinent de coter pour objectiver l'évolution. De plus le bilan coté permet d'avoir une idée de l'âge réel de l'enfant.

            Raphaël poursuit ensuite avec un cas clinique. Noa est un garçon de 8 ans qui ressemble un peu à Harry Potter. Il présente un retrait autistique mais est jusqu'à présent passé entre les gouttes de tout diagnostic. Noa n'a pas de copains, il a du mal à être en lien avec ses enseignants (et réciproquement) mais ne présente pas de difficultés d'apprentissage. Il n'aime pas les jeux de société ni les jeux de construction. Sa mère dit qu’il présente un « mutisme corporel ». Elle est inquiète du bilan car elle veut des tests standardisés et a un peu peur des psychomotriciens issus de l'école de Lyon.
            Raphaël commence son bilan par une observation psychomotrice et des jeux de ballon. Noa participe et rit mais il demande ensuite à Raphaël de « faire du travail » car il trouve qu'il a beaucoup joué. Raphaël lui propose alors les tests standardisés et Noa lui pose beaucoup de questions sur les écarts types, il lui explique alors ce que c'est. Lors de ce bilan Raphaël se surprend à faire le Stamback jusqu'au bout et observe que Noa ne parvient pas à comprendre l'écriture symbolique. Dans le BHK, il observe de nombreuses inversions de lettre. Il a donc divers éléments mais ne sait pas bien quoi en faire... Il restitue le bilan à la mère et lui propose de retourner vers son généraliste pour qu'il puisse faire la synthèse des bilans. Raphaël nous explique que les résultats apparaissaient trop hétérogènes pour faire une synthèse. Il suggère néanmoins en fin de bilan une orientation vers un bilan orthophonique et orthoptique. Il s’avère ensuite que l'orthophoniste détecte une importante dyslexie  très compensée et l'orthoptiste repère de gros problèmes visuels.
            Dans cette situation, Raphaël a eu besoin de commencer par de la psychomotricité dite « relationnelle » pour pouvoir ensuite proposer des tests standardisés. Pour lui il est important d'utiliser ces tests de façon raisonnée pour proposer un accompagnement à la carte à chaque personne reçue. Raphaël explique qu'il est, selon lui, nécessaire d'utiliser les deux « types de psychomotricité » pour s’ajuster au mieux à la personne reçue. Pour le moment la psychomotricité est présente dans les plans gouvernementaux (autisme et dyspraxie) mais il semble important  d’utiliser des tests standardisés pour objectiver notre pratique et défendre notre spécificité.

Cécile entame la discussion en nous présentant sa pratique dans un SSR auprès d'enfants brûlés ou cérébraux lésés. Les bilans qu'elle peut pratiquer sont très spécialisés et orientés pour détecter des troubles dysexécutifs. Il est évident que les enfants qu'elle rencontre présentent ce type de troubles mais qu'en est-il du sensoriel ? Pour chercher dans cette direction elle utilise les bilans qui sont souvent pratiqués auprès des personnes autistes, ce qui ne lui convient pas car les troubles ne sont pas les mêmes. Elle cherche des bilans qui puissent être évolutifs entre sensoriel / moteur et cognitif mais rien n'existe et encore moins des bilans normés.
            Raphaël lui répond qu'il faut effectivement adapter le bilan à l'enfant mais comment faire ? Par rapport à quelle norme ? C'est aussi le problème des bilans de niche car les éditeurs cherchent la rentabilité ce que ces pratiques ne permettent pas. Il nous alerte aussi sur la nécessité d'acheter les bilans pour qu'ils continuent à être édités.
Une autre problématique s’impose à Cécile et sa collègue : ce sont les seules à ne pas proposer de bilan standardisés dans l’équipe (kinésithérapeute, ergothérapeutes, orthophonistes).
Marème évoque ensuite sa pratique dans un service d'addictologie. Ses collègues font toutes des tests standardisés mais elles les psychomots ? Quels chiffres peuvent-elles entrer dans le fichier informatique ? Elles n'ont pas de données chiffrées à entrer et ne font « que » des prises en charges considérés comme étant corporelles, le suivi en psychomotricité devient donc facultatif.
Cécile rebondit en disant que les chiffres permettent pour elle d'évaluer la perte subie et donc si elle est récupérée ou non. Elle se questionne également sur la possibilité d'intervenir auprès des patients au bon moment car comme elle n'a pas de bilans cotés adaptés, elle est moins en lien avec les médecins et son intervention passe en dernier plan ou intervient trop tard.
            Nous en revenons à la cotation. Pour avoir des bilans cotés, il faut une cohorte suffisamment importante pour pouvoir se référer à une norme. A-t-on « suffisamment » d'enfants grands brûlés ou d'adultes en addicto pour pouvoir faire ce travail de cotation ?

Denis nous parle de son utilisation de l'échelle de DUNN. Il y a des chiffres mais il y a surtout un questionnaire qui permet ensuite de faire le lien avec la théorie.
Mathieu nous questionne ensuite sur la possibilité d'uniformiser un bilan qui pourrait être commun à tous alors qu'il existe des cliniques de niche. De plus, les enfants arrivent souvent avec un diagnostic déjà bien posé (« il est autiste »), comment s’inscrire dans le diagnostic dans ces cas-là ?
            Raphaël se montre très pessimiste sur l'évolution des postes de psychomotriciens en institution notamment avec l'émergence des plateformes d'orientation précoce. Il s'inquiète de la possible disparition des CMP.

Denis se retrouve bien dans la présentation qu'a fait Raphaël et l'idée d'une psychomotricité intégrative lui plaît bien. Lui a commencé avec la phénoménologie, assez difficile d’accès, puis il y a eu la psychanalyse qui était beaucoup plus claire. Pour lui la psychomotricité est une profession qui avance et il est important de dépasser la question du relationnel ou pas.

Se posent ensuite les questions de l'uniformisation des pratiques, de la cotation à l'acte que cela pourrait entraîner, de la nomenclature choisie et de comment les pratiques de niches pourraient également être exclues de ces actes pensés pour le plus grand nombre. Raphaël nous explique que les orthophonistes font toutes le même bilan mais que par la suite la rééducation, l'accompagnement, varie d'une professionnelle à l'autre. Il n'y aurait alors plus aucune flexibilité et plus aucune personnalisation possible dans l'acte du bilan ?

Est ensuite posée la question de pourquoi et pour qui on fait un bilan ? A quoi va répondre le bilan ? Comment faire quand le bilan réalisé ne répond pas à la demande initiale à l'origine du bilan ?
Nous nous quittons après cette présentation très riche et ces débats animés avec encore de nombreuses questions non résolues : Quelle conduite doit-on tenir avec le bilan ? Quels outils doit-on utiliser ? Quelle évaluation faisons-nous du bilan ? Quels objectifs nous donnons-nous dans la passation d'un bilan ? Cécile conclue la soirée en nous disant que le bilan permet, pour elle, d'explorer des domaines où nous ne serions peut-être pas allés chercher.


            Nous vous proposons de nous retrouver le 18 février, toujours au comptoir de Béline, pour poursuivre notre réflexion autour du bilan. Nous n'avons pas encore le nom de la personne qui interviendra mais il vous sera communiqué par la suite.

            Nous vous souhaitons de passer de belles fêtes de fin d'année et serons ravies de vous retrouver début 2020.



Lison Gilardot, pour l'ARRCP.


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