L'Association de Réflexion et de Recherche Clinique en Psychomotricité de Lyon et sa Région vise à promouvoir la recherche clinique en psychomotricité par divers moyens notamment : l’organisation de séminaires, colloques, groupes de réflexion. Soutenir des projets individuels ou collectifs de recherche sur la clinique psychomotrice, favoriser et/ou rechercher la collaboration avec des structures à même d’apporter une contribution directe ou indirecte au but poursuivi par l’association et tout particulièrement avec l’Institut de Formation en Psychomotricité de Lyon.
Elle s’adresse à tout psychomotricien désireux d’engager un travail d’approfondissement théorico-clinique, quel que soit son champ d’exercice professionnel ou son référentiel théorique et clinique.
Susciter les échanges, favoriser le débat entre psychomotriciens, soutenir la réflexion et la recherche à propos de la pratique, telles sont les ambitions de l’ARRCP Lyon et région. Dans cet objectif, l’association mise sur l’engagement de ses membres dans une démarche qui consiste à se confronter aux difficultés et aux doutes rencontrés dans la clinique, à approfondir ses intuitions cliniques, à les arrimer à des concepts théoriques, à transmettre et discuter les résultats de ses travaux.

lundi 20 février 2017

Un aperçu du Café Psychomot' du mardi 31 janvier 2017


 Elise Guettal, psychologue, et Lison Gilardot, psychomotricienne, travaillent dans une Maison d’Accueil Spécialisée (MAS), auprès d’adultes polyhandicapés. Toutes deux se saisissent du projet du café-psychomot’ pour écrire et réfléchir sur leur binôme psychomot-psycho, animées par notre thématique annuelle de la transdisciplinarité. C’est comme une bouffée d’oxygène au milieu de la souffrance institutionnelle dans laquelle elles baignent.

Avec beaucoup de générosité elles ont partagé avec nous le travail qui les réunit dans un groupe thérapeutique accueillant deux patientes, Julie et Marion, sœurs jumelles, et toutes deux atteintes du syndrome de Pitt Hopkins. Du fait de leur maladie, Marion et Julie ont des mouvements répétés de la main et de la bouche ; elles enfoncent profondément leur main dans leur bouche et ont des stéréotypies.

Elise et Lison nous racontent la naissance de leur groupe, son installation dans la continuité, et termine leur présentation en s’interrogeant sur la fin de la prise en charge. Cette narration à deux voix nous est très sensible, nous laissant éprouver toute l’énergie qui les anime, mais aussi leurs hésitations dans une complémentarité transdisciplinaire indéniable : chacune soutient l’autre pour mener à bien un projet ô combien humain : favoriser la rencontre entre ces deux sœurs jumelles.

Marion et Julie sont décrites comme « baveuses » du fait de leur syndrome. Dans l’institution, les réactions de rejet à leur égard sont nombreuses. Comment les aider à s’ouvrir mieux à la relation à l’autre et à leur relation gémellaire ? Par ce projet, il s’agit bien de faire le pari de pouvoir les considérer autrement que repoussantes, dans le lieu privilégié du groupe qui se déroule dans la salle Snoezelen.  Lison accepte le projet d’Elise à une condition : « nous porterons des blouses ».

Les premières séances sont morbides, « pleines de vides » nous dit Lison. Aidées des différents supports présents dans la salle, les mouvements de rencontre qu’Elise et Lison propose aux deux jumelles font « flop »… Mais tout de même, l’observation des thérapeutes distingue bien les deux sœurs : Marion est plus mobile, plus actrice, alors que Julie se love dans le canapé avec ou sans thérapeute qui se sent vite objéifié, tel un coussin.

Puis vient le jour où Lison chante une berceuse. Et là il y a de l’apaisement. La voix crée un climat de rencontre plus serein pour Julie et Marion et la recherche des paroles des chansons rasssemble aussi Elise et Lison. Mieux que tous les jeux de lumière, c’est le chant qui fait médiation. Et Julie et Marion de se regarder. Et Elise et Lison de « presque en  pleurer », avec le souvenir de la scène qui fait encore briller leurs yeux.

Dans cette deuxième phase du groupe où il prend corps, les rôles de chacune se structurent aussi : Lison et Elise choisissent de s’alterner dans leur rôle chaque semaine, l’une étant plus animatrice de la relation et l’autre observatrice.

Le groupe progresse dans une temporalité qui s’installe. Jusqu’à quand ?

Lison et Elise n’ont plus besoin de blouses. Lison évoque dans sa présentation la peur de la contagion décrite par S. K. Sausse. La relation, en s’humanisant, devient de moins en moins repoussante et baveuse, et les blouses moins nécessaires.

Pour penser ce groupe et pour préparer ce café, Lison lit le collectif dirigé par Monique Perrier-Genas et Jocelyne Huguet-Manoukian. Elle nous dit comment cette lecture lui a fait du bien, en renforçant ses croyances quant à la transdisciplinarité alors que celle-ci n’est pas du tout portée par la MAS dans laquelle elle travaille. Pouvoir lire chacun des professionnels de l’équipe du CAMSP de Vienne lui a été d’une grande richesse. Lison cite, entre autre, Jocelyne Roux-Levrat parlant de la transdisciplinarité comme d’un vecteur qui fait avancer avec cette « conviction éthique de foi en l’humain ».

Pour penser ce groupe Elise s’appuie sur A. Ciccone pour travailler le miroir, la gémellité et la parentalité psychique, mais encore sur R. Kaës et E. Enriquez pour survivre à la défaillance institutionnelle dans laquelle il vaut mieux garder secret un travail de qualité pour le protéger… « Le groupe est un pied de nez à la vie institutionnelle », nous dit Elise.

Mais surtout Lison et Elise compte l’une sur l’autre, dans une confiance qui aide à être avec l’autre et à penser le lien relationnel, à rester vivant.

Après la présentation clinique et vivante de Lison et Elise le débat s’en suit et nous permet d’apprendre plus encore sur la valeur de leur travail. Les Aides Médico-Psychologiques (AMP) utilisent maintenant des comptines pour apaiser Marion et Julie qui semblent se rencontrer dans d’autres moments de leurs journées… Les AMP évoluent dans le regard qu’elles portent sur Marion et Julie. Donc même si le groupe n’est pas soutenu  par la direction de l’institution, la transdisciplinarité s’ouvre, par effet de ricochets, aux autres partenaires du soin. Ce sont souvent de petites choses qui sont ô combien précieuses. Merci à Lison et Elise de nous le rappeler.

Le débat nous permet de réfléchir au rôle de l’observateur.

Cécile nous dit comment dans un travail individuel difficile, elle a pu demander à sa collègue psychologue de la soutenir en tant qu’observatrice, dans une présence vivante et regardante, avant-même de parler de la scène observée. Elle soulève la dualité fascination/dégout et associe avec les deux visages de la figure du monstre.

Martin pense que l’observation permet aussi la narration, dans l’après-coup de la séance au thérapeute qui en était animateur. Ce à quoi je rajoute que, particulièrement dans le soin des adolescents, il est très riche que l’observateur fasse la narration de la séance au groupe avant qu’il ne se sépare. Il amène la place de l’intersubjectif comme lutte créative contre le « faire » et questionne sur comment faire vivre et transpirer ce groupe dans l’institution.

Pascale revient sur la médiation de la comptine qui a pu réunir thérapeutes et jumelles. Pour elle, la comptine parle de la présence à l’archaïsme de chacune,  tout en venant entremêler les capacités professionnelles de la psychomotricienne et de la psychologue, à savoir l’expression corporelle et l’expression verbale. Cela lui fait penser au dispositif de la pataugeoire.

Denis ressent comment passer par la comptine a introduit de la temporalité et parle de la transmodalité dans ce soin (le même chez l’autre dans le registre du sensoriel).

Emmanuelle revient sur l’implication « parentale » du thérapeute et la transdisciplinarité qui peut amener à être surpris et s’étonner.

Mathieu amène la question du regard et se demande si ce qui gêne la transdisciplinarité serait de pouvoir accepter d’être regardé. Il note le regard très présent entre Lison et Elise, mais l’absence de regard de l’institution.

Face à la déroute institutionnelle, le secret peut parfois protéger. Natacha rappelle aussi le risque de l’attaque envieuse par les autres de l’institution, et Denis notre désir d’être reconnu mais aussi d’être oublié dans nos institutions.

Nous terminons ce débat sur la fin des soins. Martin nous dit comment il s’appuie sur l’indication pour penser la fin des soins. Mais dans certaines institutions, les indications ne sont pas toujours explicites…

Merci encore à Lison et Elise pour avoir partagé autant avec nous en nous permettant de rediscuter des essentiels de notre travail thérapeutique.

Odile Gaucher

 

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