Un aperçu du Café Psychomot' du mardi 9 Février 2016
Le 9 février, c'est avec Emmanuelle
Ormazabal que nous avons déambulé pour notre 2ème café psychomot' de la
saison sur le thème de l'espace.
Emmanuelle
nous parle de son parcours et son inscription dans son institution, nous
contant aussi l'histoire et l'ancrage dans la ruralité de son lieu d’exercice,
aujourd'hui devenue une maison de retraite, situé ni plus ni moins à Saint
Amour !
L'espace existe avec le support de
l'institution, de son histoire et de ses mythes, mais aussi de son
architecture.
Emmanuelle nous parle très vite du soutien
et du dynamisme de la directrice, prête à déplacer des montagnes.
Nous allons ainsi nous balader de
l’apothicairerie, au vieil hôpital avec son bâtiment en U, en croisant les
collègues et les patients âgés, ayant des troubles cognitifs et de la
personnalité.
Emmanuelle nous parle de faits déclenchant pour évoquer sa pratique évolutive :
*la violence mise en acte et en mots par
les collègues soignantes d'un monsieur qui griffait, tapait lors des moments de
toilette.
*le regard sur ce patient et les
questionnements sur comment établir une relation avec une personne démente.
Puis est venu le temps des
observations : la technicité de ses collègues, le vécu d'intrusion des
patients , pour tenter d'établir d'autres codes de communication. .
Emmanuelle a donc commencé son travail en
suivant ces personnes qui se perdaient (jusqu'à perdre leur intégrité
corporelle ), en déambulant avec eux, à côté, contre, parfois une main sur
l'épaule.
Ces déambulations de couloirs se
terminaient alors face à la porte coupe-feu, la butée.
Le travail sur la mémoire du corps amène
Emmanuelle à penser à la sensorialité de la musique, du visuel, du tactile et
les traces mnésiques (ou pour le dire autrement sentir d'anciens
ressentis, re-sentir des ressentis), recréant suffisamment de confiance en
elles pour que ces personnes puissent se reposer de leur angoisse d'une perte
permanente et répétée.
Parallèlement à sa clinique, Emmanuelle va
s’intéresser de plus près au concept Snoezelen qui fait le pari de la
sensorialité pour recréer des stimulations permettant la relation et se former
à cette approche dont elle parle comme une philosophie, une façon d'être et non
de faire. Équipée d'un panier garni d'objets aux qualités sensorielles multiples, c'est d'abord ainsi qu'elle
va promener avec elle sa philosophie, en se laissant guider par les patients.
Ne pas faire et ne pas attendre de
résultat, voilà qui n'est pas facile dans une institution, qui pourrait aussi
se rendre dépendante de celle qui y arrive.
La demande de formation des collègues
d'Emmanuelle émergera suite au don reçu par la maison de retraite d'une somme
d'argent permettant de construire une salle de bain Snoezelen.
Les représentations évoluent, d'un amas de
chair et d'os, à une barbe à papa, l'image du corps des patients semblent se reformer
et des ressentis peuvent se verbaliser à nouveau.
On commence à s'en douter, nous, en
écoutant Emmanuelle, que l'aventure ne va pas s'arrêter là et que l'espace du
possible a encore à se construire.
Et hop retour vers le couloir, celui sans
issue, transformé en bambouseraie le longs des mains courantes, et équipé de
fauteuils pour se poser. L'errance des patients a alors pris fin faisant chuter
les attaques de panique, la tension.
L'institution-mère accouche d'un important
projet d'une UP de 1000m2 pour 24 chambres avec toute une réflexion sur les
couleurs, sur la circulation possible tournante mais ne s'arrêtant pas, sur des
endroits vides et une salle de 40 m2 toujours ouverte...
La trace, la répétition du sensoriel dans
le corps ont fait baisser l’angoisse, la panique réveillant ou reconstruisant
une continuité, un ça a déjà existé...
Emmanuelle nous embarque pour terminer son
cheminement et celui des patients, dehors, dans le jardin sensoriel aux zones
sonores, olfactives, cocooning, prenant sens et toujours accessibles de jour
comme de nuit.
Et pour conclure à travers cette
philosophie l'importance d'arrêter de faire pour laisser place aux espaces du
possible...
Le possible de nos échanges commence par
Odile nous rappelant son lien professionnel et affectif avec Emmanuelle et de
leurs réflexions alors qu'elles travaillaient toutes deux dans une institution
gériatrique, autour de la déambulation comme façon d'être avec les patients
déments et d'une fonction tiers par aller-retour, tâtonnements d'Emmanuelle.
Je propose que l'on mette en débat la
question de ces lieux Snoezelen dont nos
institutions peuvent fleurir et de l'aspect magique que l'on peut leur
conférer.
Et je repense aux bambous du couloir qui ne
sont pas thérapeutiques en eux, mais que c'est bien la rêverie d'un autre sur
le lieu et sur la manière dont les patients peuvent se l'approprier combiné au
réel de l'espace qui produit des effets thérapeutiques.
Emmanuelle me rappelle que l'institution
doit être prête à philosopher et que dans le cas de son institution il s'agit
bien d'une institution en mouvement.
Joséphine s'interroge sur ce qui va faire
que dans cette institution cela va devenir contenant et faire trace par rapport
au lieu de vie précédent des personnes accueillies.
Emmanuelle parle de la pensée étayante et
partagée de cette équipe et d'une présence perpétuelle… Et de la nécessité dans
« le monde de la démence » d'un projet de soin partagé.
Mélanie évoque son intérêt pour le lien
pensé entre l'espace intérieur et extérieur et fait le parallèle avec sa
clinique avec des patients SDF. Elle parle d'oser expérimenter le travail sur
les éprouvés du non-hérmétique des espaces qui peuvent rester ouverts,
peut-être comme une figuration de ce qu'elle peut percevoir du décalage entre
l'organisation d'un lieu de vie et le chaos interne de ses patients.
Martin évoque ce qu'il ressent d'un
paradoxe entre la sensorialité qui existe de partout et la salle Snoezelen,
fermée, qui, dans, les représentations institutionnelles serait soignante en
soi.
On se rappelle alors que l'institution en
elle-même peut être vécue comme un lieu enfermant car fermé... Comme la salle
Snoezelen pourrait l'être pour Martin...
Pour terminer cette philosophie de
l'échange (Platon et Socrate se seraient ils invités?), Odile va nous raconter
une drôle d'anecdote sur Emmanuelle qui avait ramené chez elle un patient qui
s'était logé dans le coffre de sa voiture... !
Comme quoi, il y a aussi les traces qui
sont les nôtres et des abris que l'on
peut faire en nous pour l'autre...
Natacha Vignon et Odile Gaucher pour
l'ARRCP.
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