Un aperçu du Café Psychomot' du Mardi 04 Avril 2017
C'est en plus petit comité et dans une
grande mixité d'âges professionnels, que nous nous sommes retrouvés Mardi 4
avril pour notre dernier café psychomot de la saison sur le thème de la
transdisciplinarité.
Et c'est Odile Gaucher qui vient nous
parler de la fonction tiers et formatrice du psychomotricien auprès des autres
et qui amène à construire des cadres de formation.
Elle s'appuie sur la lecture du texte
de Gaëtan Munoz « Quel drôle de groupe ! Un dispositif groupal
pour tenter de "faire le corps" d'adultes polyhandicapés », qui a
beaucoup développé cette fonction tiers dans son institution.
Odile nous
encourage vivement à lire ce texte.
« Tout ne se fait pas en
jour », « Cela ne va pas de soi », c'est ainsi qu'elle nous
parle du temps de la sagesse pour laisser faire les choses et ne pas bousculer.
Et au travers de son parcours professionnel riche et varié, elle témoigne de
petites situations de transdisciplinarité qui lui ont permis de se construire
une fonction échoïsante avec les autres soignants.
Le point de départ étant toujours pour
elle de partager la difficulté du soin avec les autres et une grande
attention pour saisir les propositions, les opportunités qui peuvent émerger.
Gaëtan Munoz, dans son texte parle de
durabilité du travail soignant et convoque des mythes : celui de Pénélope
et de Sisyphe pour dire la répétition, le faire, défaire et refaire permanent
de la tâche primaire dans son institution.
Il parle du rôle du psychomotricien
qui soutient et ramène, souligne les traces.
Odile insiste sur notre qualité
d'observation et de décodage qui permet de dire la présence à l'autre.
Il y aurait donc deux temps :
celui de la patience et celui de l'attention.
Dans son chemin professionnel, Odile
va éprouver, en pédopsychiatrie et avec sa présence 3h/semaine dans un service
de prématurité, une posture de « se poser » dans l'instant présent,
et d'observer le travail des puéricultrices, le désarroi des parents dans la
séparation traumatique des premiers liens.
Ce sont ces observations du quotidien du
travail des autres qui ont fait réflexion et Odile, s'appuyant sur Frédéric
Leboyer et son livre Shantala, a initié le peau à peau auprès de ses collègues
en se mettant en retrait. Ainsi des porte-bébé Kangourou ont été achetés,
proposant ainsi aux bébés d'être portés pendant que les puéricultrices
faisaient autre chose que des soins...
Du monde de la toute petite enfance au
monde du la gériatrie, il n'y a eu qu'un pas et Odile nous raconte alors
comment au fur et à mesure de ses années de travail à l'hôpital des Charpennes
, de ses rencontres avec des médecins soutenant, porteurs, elle a construit sa
place au plus près des équipes, désertant sa salle et travaillant dans les
couloirs et dans les chambres du service, avec les autres. La perception de la
psychomotricité étant bien confuse dans la tête des internes. Pour affiner une
meilleure représentation de notre métier, qui réalise un film sur la
psychomotricité mettant en exergue le chevillage psycho-corporel de notre
travail.
Dans sa clinique en soins palliatifs,
Odile déploie les massages relaxants pour travailler ensemble dans un même
temps et proposer un massage apaisant qui pouvait permettre qu'un soin
infirmier anxiogène se fasse plus sereinement.
De ces expériences partagées, l'équipe
de soins palliatifs demande à Odile de faire une initiation au massage
relaxant.
Odile nous rappelle combien il s'est
agi pour elle dans son lien avec les autres collègues, de se connaître, de
partager les deuils et partager les connaissances.
Et le maillage continuera à se faire
puisqu'ensuite Odile interviendra dans une formation en intra sur les
différentes techniques de massage relaxant, dans des ateliers d'initiations
dans les services de gériatrie...
Elle insiste sur l'importance de
penser le cadre de ces interventions et comment l'institution tient et épargne
cet espace-temps.
Odile est ensuite mutée dans un
service de TCA, on y reviendra. Mais au passage elle devient chargée
d'enseignement à l'IFP et nous parle avec tendresse et sérieux de l'importance
d'accueillir des stagiaires, des étudiants car « on apprend d'eux ».
Elle rencontre aussi le travail
d'écriture pour des conférences et nous parle d'un processus quasi
d'auto-formation pour apprendre à clarifier la narration clinique, tout comme
dans la préparation d'une formation. C'est nous dit Odile, presque une démarche
d'auto-supervision.
Dans son service, elle reprend des
ateliers de massage relaxant auprès des infirmiers psy qui utilisent cette
médiation pour calmer l'angoisse de
patients lors de réveil nocturne.
Ces ateliers nommés « à
l'écoute du tact », disent combien tout ce travail fait par Odile depuis
des années, à petits pas, dans la transmission, la formation n'ont pu se construire
que dans l'idée du partage et de la sagesse de l'attente.
Les échanges qui suivent ce témoignage
sensible et intime d'Odile ne vont pas se faire attendre...
Je rebondis sur l'humilité et la
notion d'expérience qui se partage en repensant encore au texte de Ciccone sur
la transdisciplinarité et l'idée de « lâcher » le savoir au sens d’un
pouvoir, pour être dans une qualité de présence qui se transmet.
Odile parle d'un
« savoir-être » qui est un partage d'expérience et non pas une
accumulation de connaissances.
Alice s'interroge sur les formations
communes transmises dans les institutions, qui font pâte commune et que chacun
va recevoir à sa manière.
Odile répond au regard de son
expérience en soin palliatif « on s'est construit en se formant
ensemble » et parle de son expérience de formatrice actuelle avec l'INFIPP
où elle intervient dans le cadre de projet de service qui font unité groupale.
Matthieu pense aux formations
communes, à la mode dans les institutions, comme les journées d'intégration. Il
nous dit que ce qu'il en retient n'est pas forcément intéressant dans la
pédagogie mais bien que cela fait histoire commune et que cela crée une
représentation de comment l'institution
pense.
Lucile nous raconte sa première
expérience dans une équipe en construction, dans un centre diagnostic de TCA et
sur l'importance de la réunion de synthèse qui relie, rassemble et comble les
trous dans une configuration de travail très morcelée. Elle utilise son bilan
comme une traduction du corps qui fait tiers et relie pour le patient et donne
sens aussi pour les autres, tout en s'interrogeant sur le fait que faire
uniquement des bilans, ça n'est pas faire du soin.
Odile pointe que, dès le bilan, nous mettons
en œuvre une fonction miroir au sens de Winnicott qui déjà est thérapeutique.
Denis approfondit cette notion de
fonction tiers et se réfère à Meltzer et la notion de conflit esthétique, dans
la fascination du bébé pour le psychisme de sa mère.
Il insiste sur la fonction de tiers
archaïque à laquelle nous sommes souvent convoqué dans notre clinique psychomotrice,
qui accompagne, relie et qui est souvent bien oublié dans nos institutions au
profit du tiers œdipien, séparateur.
Mélanie partage son expérience dans un
cadre préventif où elle a d'emblée pensé la nécessité de travailler avec d'autres dans un groupe, puis l'arrêt de
la participation de ses collègues, pour que reviennent plus tard à nouveau
l'envie de partager avec. C'est toute l'importance de la temporalité qui permet
aussi d'accepter les mouvements d'investissement et de désinvestissement.
Odile invite Aurélie, une ancienne
stagiaire avec elle, à parler de son expérience de stage avec elle, dans un
groupe de soin partagé : elle exprime alors ses craintes à travailler sous
le regard de l'autre et sa progressive compréhension de la fonction tiers
étayante pour les patients des autres soignants.
Elle témoigne d'un regard interne de
l'expérience vécue.
Martin parle de la fonction tiers
comme l'image d'une boite à outils, un médium, avec son impression parfois que
40 mn par semaine de soin psychomoteur dans un lieu de vie, ça soignerait bien
peu et que les effets thérapeutiques ne se situent pas forcément à l'endroit où
cela se passe.
Mais c'est peut-être le partage, le cheminement
ensemble, en équipe, constitutifs d'un appareil à penser commun qui ferait
"l'être soignant" dans les lieux de vie.
Denis musicalement, dit son bémol à
Martin et une autre image : celle du tiercé où il faut être placé. La
compétence, la formation permet de se placer. On n’est pas forcément les mieux
placés, mais on est placé. La question du corps est une question de la présence
et notre clinique est celle de la présence. Il nous appartient de travailler
cette question-là.
Lison évoque la permission que l'on se
donnerait de dire ce que l'on a ressenti car on travaille avec nos ressentis.
La transdisciplinarité est peut-être donc de ne pas savoir et de s'autoriser à
s'interroger.
Martin en écho se fait l'objet d'une
place qui serait celle de pouvoir dire « Ben, tiens, moi j'ai vu
ça ».
Mélanie amène aussi la notion de la
présence du psychomotricien : savoir être présent, savoir se retirer,
s'absenter pour laisser émerger et faire exister la présence.
Nos échanges riches, sensibles et authentiques se
terminent sur cette idée d'une forme d'humilité pour transmettre des petites
choses à nos collègues , recevoir d'eux et sauvegarder ainsi nos propres
soutiens dans notre clinique.
Notre saison des cafés s'achève donc en ce mardi
printanier. Nous allons, pendant la période estivale, nous mettre à la recherche
d'un autre lieu pour nous accueillir, préparer la saison prochaine et nous
restons à l'écoute de vos envies de voir un thème discuté prochainement.
N'hésitez pas à nous contacter !
Belles saisons à venir pour chacun de
vous.
Natacha Vignon, pour l'ARRCP
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