Un aperçu du Café Psychomot du 27 février 2018
Pour ce deuxième café psychomot’
nous nous retrouvons au café de la cloche autour d’Aurélie Galland et de Mélanie
Passot afin qu’elles nous parlent de leurs expériences en crèche ou autour
de la petite enfance.
Aurélie commence avec la
présentation de son travail au service de la petite enfance de Villeurbanne.
Elle travaille dans onze crèches, deux haltes garderies, quinze relais
d’assistantes maternelles et un lieu d’accueil parents-bébé. Elle nous explique
que la psychomotricité est présente à Villeurbanne depuis 1980. Au départ, les
psychomotriciennes étaient là pour faire de la formation continue aux équipes
et pour accueillir les enfants porteurs de handicap. Durant les années 2000, la mairie trouve
qu’il manque du lien entre le psychomot et le reste des équipes. C’est pourquoi
en 2007 il y a la création d’un poste à mi-temps et mise en place d’une salle
de psychomotricité de 40m² avec du matériel.
Le poste de la psychomotricienne
se décline en plusieurs missions :
- - Elle est responsable
de l’espace de psychomotricité.
- - Elle anime des ateliers psychomoteurs qui
accueillent des professionnels des crèches qui viennent avec quatre enfants et
des assistantes maternelles accompagnées des enfants qu’elles accueillent. Il
s’agit de groupes fermés qui se déroulent sur dix séances. Ce sont des groupes
d’une heure pendant laquelle les enfants peuvent explorer la salle librement,
sans intervention de l’adulte. La psychomotricienne organise sa salle en
différents espaces (espace de mouvement, de tranquillité avec la proposition de
mouvements au sol, un espace sensoriel et un espace de manipulation) qui
varient selon les séances. Aurélie changeait beaucoup les propositions au
départ mais elle nous explique qu’elle varie de moins en moins les propositions
afin que tout le monde ait des repères. Ces groupes permettent aux
professionnelles d’être « juste » là, de se poser et de partager un
moment privilégié avec les enfants qu’elles accompagnent.
- - Elle co-anime aussi, avec une éducatrice de
jeunes enfants, un atelier « pas à
pas » où elles accompagnent les bébés et leurs parents avant que les
enfants ne marchent.
- - Elle intervient aussi sur les structures de
différentes manières : projets d’aménagement des espaces, des propositions
théoriques (sur le portage par exemple) et sur des temps de formations pour
lesquels elle utilise des supports vidéo et propose des moments de pratique
corporelle.
Marianne nous parle ensuite de sa
pratique en crèche. Elle travaille à mi-temps dans une crèche qui accueille un
tiers d’enfants porteurs de handicap. C’est une crèche qui est ouverte depuis
six ans et dans laquelle se sont déjà succédées quatre psychomotriciennes, ce
qui interroge beaucoup la direction. Son
poste est beaucoup plus pensé dans le quotidien, elle est en plus des effectifs
mais se retrouve quand même régulièrement sur le terrain à remplacer ou aider
les professionnelles dans le quotidien de la crèche. Elle a un planning
régulier avec une semaine où elle travaille du matin et la suivante où elle
travaille l’après-midi.
Son poste est pensé autour de
l’accompagnement du développement psychomoteur de l’enfant à la fois dans le
soutient de celui-ci et la prévention des troubles éventuels. La crèche
accueille 24 enfants qui sont répartis sur deux espaces : une salle calme,
avec les enfants qui ne se déplacent pas, et une salle de psychomotricité. Elle
a plusieurs missions :
- - Elle mène des ateliers dans un dortoir.
L’atelier a lieu toute la semaine sur le même créneau. Les enfants peuvent
aller et venir comme ils le souhaitent. Elle leur propose différents types
d’explorations : motrice par le biais de parcours, de transvasement,
sensorielles elle a aménagé une sorte de tipi et y accueille les enfants par
petits groupes fermés. Elle est souvent seule dans l’animation de ces temps et
fait ensuite des transmissions aux équipes. Elle se questionne beaucoup sur la
manière de pouvoir inscrire les équipes dans ce travail.
- - Elle fait aussi des temps d’observation mais
constate qu’elle se laisse souvent prendre par l’agir, elle nous fait part de
sa difficulté à penser, à mettre en mot ces temps-là.
- - Elle porte aussi la réflexion de l’intégration
des enfants porteurs de handicap, sur ce qui peut leur être proposé, comment
leur proposer, et essaie de faire d’inciter les équipes à penser ensemble cet
accompagnement.
- - Elle travaille en lien avec les équipes en leur
amenant son approche, son regard de jeune psychomotricienne. Mais elle est
aussi en lien avec les familles en leur faisant des transmissions sur ce que
leur enfant a pu faire pendant la journée, elle essaie de se décaler un peu des
professionnelles qui ont tendance à beaucoup transmettre sur les besoins
primaires des enfants. Elle est aussi là pour les parents s’ils ont des
questions à lui adresser.
A la suite de
cette présentation, Odile fait la remarque que leur pratique à toutes les deux
est très rayonnante, qu’elle doit leur demander beaucoup d’énergie. Aurélie
répond qu’il est parfois frustrant d’avoir le sentiment de s’éparpiller, de partir
dans tous les sens. Natacha dit aussi que ce sentiment de dispersion doit être
le miroir de ce que peut vivre l’enfant dans un crèche qui n’a pas forcément de
repères stables et qui peut aussi être soumis à des vécus éprouvants,
difficiles à transformer et qui doivent s’avérer parfois frustrants.
Aurélie nous
parle aussi du bruit de la crèche et de l’énergie que cela demande aussi de
travailler dans un environnement sonore comme celui-là. Elle évoque la charge émotionnelle de ces conditions
de travail et nous dit que les professionnelles sont souvent dans la plainte
somatique et qu’il y a un turn-over important dans les équipes. Denis reprend
la question de la charge émotionnelle d’un bébé qui crie, qui pleure et à
laquelle sont confrontées les équipes, ce qui se traduit par des plaintes
corporelles mais aussi parfois par l’appropriation des enfants. Chaque
professionnelle a son fils ou sa fille. Aurélie répond en disant que parfois
les professionnelles vont chercher les câlins de l’enfant pour retrouver de la
contenance. Denis reprend en évoquant les petits noms qui sont parfois donnés
aux enfants. Ces petits noms bloquent la pensée et peuvent parfois venir
remplacer l’agressivité que les professionnelles peuvent ressentir envers les
enfants.
Martin
interroge ensuite la question de la légitimé
lorsque l’on s’occupe des enfants des autres sans en avoir sois même. Il est
parfois confronté à la phrase « vous ne pouvez pas comprendre, vous n’avez
pas d’enfant » et leur demande si c’est quelque chose qu’elles entendent
aussi. Marianne répond qu’elle n’est pas vraiment sûre d’avoir une place de
psychomotricienne dans son poste car elle est beaucoup prise par le quotidien.
Elle réfléchit actuellement à comment faire pour se dégager plus du quotidien
et avoir une place différente dans la crèche. Aurélie répond qu’elle a eu
besoin de temps pour faire sa place auprès de certaines professionnelles et
qu’elle a dû d’abord écouter beaucoup les gens avant de pouvoir se décaler et
mettre de la pensée. Elle est rarement interrogée sur sa parentalité mais elle
est plus fréquemment remise en question sur ses compétences professionnelles
par les assistantes maternelles qui ont, elles aussi, des connaissances sur le
développement de l’enfant et du matériel adapté.
Lors du
premier café psychomot’ de la saison, nous avions vu à quel point les rencontres entre psychomotriciennes
avaient été bénéfiques pour les professionnelles. Odile interroge donc Marianne
et Aurélie sur ces rencontres. Elles répondent qu’il n’y en a actuellement pas.
Certaines psychomotriciennes présentes peuvent dire qu’elles travaillent en
crèche et qu’elles ont essayé de les mettre en place mais que ce n’est que le
début et qu’il a fallu se battre pour y arriver. Elles évoquent elles aussi
leur difficulté à faire participer les professionnels aux ateliers qu’elles
mènent. Elles observent que les professionnelles sont soit dans l’action, soit
dans l’observation mais qu’elles ne parviennent pas à être entre les deux.
Mélanie
refait elle aussi le lien avec le premier café psychomot’ en disant qu’elle a
eu ce sentiment là en travaillant avec des personnes âgées et que si nous,
psychomotriciens, parvenons à nous observer agir ce n’est pas le cas de tous
les professionnels. Il y a aussi la question de l’identification quand nous nous mettons à faire comme l’autre
(qu’il soit enfant ou personne âgée) et que cette identification peut être très
difficile à gérer si elle n’est pas pensée.
La discussion
se fait ensuite sur le plaisir partagé
que nous parvenons à éprouver en imitant l’autre, en étant en lien avec lui. Ce
lien peut être difficile à mettre en place
avec les enfants en bas âge qui semblent bien lointains de nous
lorsqu’ils font leurs expériences. Il nous est parfois difficile de comprendre
l’intérêt que peut leur susciter la découverte qu’ils sont en train de faire et
donc d’aller à leur rencontre.
Les personnes
présentes se questionnent aussi sur l’organisation
des groupes d’enfant par âge. Certaines crèches sont organisées par âge
pour que l’enfant fasse ses expériences dans un espace qui soit adapté à son
niveau. La question se pose alors de ce que nous prenons comme
référentiel : l’âge, le développement moteur de l’enfant ou le type de jeu
qu’il développe ? Car si on prend le développement moteur de l’enfant
qu’en est-il de l’enfant handicapé qui ne se développe pas au même rythme que
les autres, changera-t-il un jour de groupe ? Comment travaille-t-on la notion de groupe en crèche ? Pour
parvenir à maintenir un certain cadre, il faut que les enfants apprennent à
faire les choses comme ils le souhaitent mais en respectant l’autre.
Nous
terminons sur la question du travail du
psychomotricien dans un service de prévention. Ce travail demande que l’on déconstruise l’image que l’on a du
psychomotricien « soignant » qui s’adresse à quelqu’un de
« malade ».
La prévention
est le fil rouge de notre saison de café psychomot’ qui va se poursuivre avec
Fabien Da Rosa qui nous parlera de sa pratique auprès d’adolescents dans un
lieu de soin de dernier recours avant l’incarcération. Cela se déroulera le 24
avril, toujours au café de la Cloche.
pour l’ARRCP, Lison Gilardot
Commentaires
Enregistrer un commentaire