Un aperçu du Café Psychomot' du 6 Novembre 2018
C'est Céline Alcaraz que nous
accueillons pour ce premier Café Psychomot ' de la saison autour du thème
du féminin en psychomotricité. Céline travaille dans une unité de périnatalité
au sein de l'HFME, elle exerce aussi en service de pédopsychiatrie et est
formatrice à l'école de psychomotricité de Lyon. Elle est également diplômée de
la Tavistock Clinic (observation Ester Bick).
Céline commence son intervention en
nous expliquant comment elle a préparé cette intervention. Elle qui travaille
auprès des bébés, a été un peu prise au dépourvu lorsque nous lui avons proposé
d'évoquer la question du féminin et du maternel. Elle s'est alors questionnée de
façon plus imagée sur son travail avec les patientes, elle pense à quelques-unes
mais celles-ci ne lui évoquent pas vraiment la question du féminin. Elle décide
alors de prendre l'axe du maternel. Pour cela elle part du couple qui est soutien des fonctions maternelle et paternelle, il est
aussi l'articulation entre l'érotique, le narcissique et le parental. La
bi-parentalité psychique est intériorisée dans les appuis corporels et toniques
que sont les appuis parentaux. Le père représenterait les appuis toniques alors
que la mère serait plutôt un appui malléable et contenant.
Céline
évoque ensuite la question du féminin infantile qui serait de s'en remettre à
l'autre. Elle nous parle de la « dette de vie », concept développé
par Bydowski. La femme aurait une dette envers le monde qui serait de donner la
vie comme sa mère avant elle. L'image qui nous vient lorsque l'on parle du
maternel, de la maternité est celle du soin et de la tendresse. Ces deux
concepts de la dette de vie et du maternel ne sont pas toujours simples à
dépasser pour
les femmes, nouvellement mamans, que Céline rencontre dans sa pratique.
Céline
nous fait ensuite part de deux vignettes cliniques vécues au sein de son unité
de suite de couche de l'HFME. C'est une unité de quatre lits dans laquelle sont
accueillies des femmes connues du service pour diverses raisons : troubles
psychiques, accidents de vie, trauma périnataux, troubles anxieux... L'équipe à
laquelle elle appartient est une équipe pluridisciplinaire composée notamment
d'infirmières qui travaillent parallèlement en pédopsychiatrie.
Céline
mène des ateliers en binôme, notamment un atelier Peau à peau en présence dans
lequel il est question de faire un lien sensoriel entre la mère et son enfant
pour qu'elle le ressente comme étant le sien. Cet atelier est le lieu de
l'expression des premiers ressentis et d'un nourrissage proprioceptif pour la
mère. Les soignantes qui interviennent portent une attention très particulière
à leurs sensations propres. Céline nous interpelle aussi sur la vision qu'elle
a dans ces ateliers des corps dénudés des patientes qu'elle rencontre. Elle
nous explique que le corps dénudé d'une mère n'est pas le même que celui d'une
femme, les enjeux et les positionnements ne sont pas les mêmes. Ces
distinctions sont parfois très difficiles face aux femmes qu'elle rencontre.
Pablo :
Mme E a 42 deux ans et est primipare. La grand-mère de Pablo est décrite comme
étant tyrannique. Lorsque Céline arrive dans la chambre, le bain de Pablo a
déjà eu lieu, elle ne sait pas trop quoi faire, elle se sent comme « un chien
dans un jeu de quille ». Mme E lui dit « vous venez pour le
bib' ». Elle vient effectivement accompagner un temps de nourrissage pour
Pablo qui ne parvient pas à prendre ses biberons. Céline passe un moment à
chercher Pablo, elle se prend les pieds dans les chaussures de Mme. Elle nous
explique que le corps de Mme est tout en angles, elle est très mince et n'a
aucun mouvement de rotation. Mme dit que son bébé lui prend trop de temps,
qu'elle souhaiterait rentrer chez elle. Finalement Céline s’aperçoit que Pablo
dort dans son berceau. Mme E lui dit qu'elle ne comprend pas pourquoi il
n'arrive pas à téter, il pousse la tétine du bout de sa langue.
Mme s'installe pour donner le biberon à Pablo, Céline
propose de mettre un coussin autour de Mme et de son bébé et se place derrière
eux. Pablo, contenu dans cette installation, met sa bouche correctement autour
de la tétine et parvient à faire succion. Mme dit à Céline « c'est un
champion ! » ce à quoi Céline répond « vous êtes une championne ! ».
Julien :
Mme J a 37 ans et est aussi primipare. Céline est présente pour le premier bain
de Julien, il n'a qu'un jour de vie. Céline nous décrit Mme comme étant
« poussiéreuse » et ayant des questions éducatives logorrhéiques.
Elle nous explique que Mme semble avoir peur de son bébé, quand il bouge, Mme
crie et fait un bond d'un mètre. Céline nous décrit un méli-mélo entre sa
collègue et elle. Elles ne savent pas où se mettre ni comment s'organiser.
Pendant ce temps, Julien se désorganise de plus en plus. Ça devient pire encore
lorsque Mme le met dans l'eau. Céline vient alors se placer derrière Mme pour
soutenir ses bras qui portent Julien. Elles font ainsi un bain à quatre mains.
Julien s'apaise et finit même par s'endormir à la suite du bain. Dans ce
premier temps de bain, l'idée est que la mère fasse sien cet autre, qu'elle
l'éprouve dans un registre sensorimoteur.
Mme a un manque d'étayage maternel, sa mère est décrite
comme froide et distante.
A J11, Céline revient pour un bain allongé. Elle chante,
Julien se détend, sa maman peut dire qu'il a l'air bien et elle semble bercée
elle aussi. Quelques jours plus tard, Céline apprend que suite à ce bain, Mme
est allée chercher un livre de comptine à la bibliothèque de la maternité.
L'objectif
de ces accompagnements est de passer par le sensorimoteur pour atteindre
l'infantile de la mère et arriver jusqu'au bébé. Cette triangulation est
nécessaire pour que la mère reconnaisse l'enfant comme étant le sien.
Céline fait le parallèle entre sa pratique et le mythe du
Minotaure. Celui-ci est issu d'un refus de son père (Minos) d'honorer une
dette. Minos décide de refouler cette faute en enfermant le Minotaure dans un
labyrinthe et en lui envoyant tous les ans des jeunes gens pour qu'il s'en
nourrisse. Ariane aide Persée, envoyée pour affronter le Minotaure, en lui
donnant une bobine de fil pour qu'il retrouve son chemin. Cette bobine serait
la symbolisation de la mémoire et une aide psychique pour vaincre le monstre.
Céline termine sa présentation par un diaporama d'images de
tableaux de femmes, mères et scènes de nourrissage ramenant la question dans la
représentation artistique : la femme et la mère.
Natacha
ouvre la discussion en nous disant que l'image qui lui vient suite à cette
présentation est celle de la « sage-femme ». Céline est un
représentant maternel qui transmet et enveloppe, elle donne naissance à la
mère, accouche ses pensées et ses émotions.
Odile a eu plein de pensées au cours de cette présentation,
notamment que Céline nous avait beaucoup parlé des mamans et que l'on aurait
presque pu oublier les bébés, elle a donc bien relevé le challenge que nous lui
avions donné !
Emmanuelle explique qu'elle a apprécié que nous avancions
petit à petit dans la recherche du bébé. Elle note la délicatesse de l'entrée en
matière de Céline avant d'aller dans le lien corporel à la mère.
Odile se demande comment Céline relate ses observations à
la mère, que lui dit-elle ? Céline a pour objectif le bébé, son
développement psychomoteur mais pour tendre à ça, elle doit passer par le corps
de la mère, sa mise en forme par les émotions transférentielles.
Dorothée nous parle ensuite des liens qu'elle a pu faire
entre la présentation de Céline et un soin mère/enfant qu'elle accompagnait en
balnéothérapie. Elle nous évoque un enfant autiste et sa mère à qui elle a
proposé de bercer son enfant dans l'eau. La mère ne sachant pas bien comment
s'y prendre, se tenait à distance et a eu besoin que Dorothée vienne se placer
derrière elle pour la soutenir à porter son enfant. Céline nous explique que
les mères qu'elle rencontre n'ont que peu éprouver le dialogue tonique avec
leur propre mère et que l'éveil sensoriel au contact de leur bébé n'est alors
pas toujours accessible d'emblée. Elles ont elles aussi parfois besoin de cet
accompagnement « gigogne » pour y avoir accès.
Sabine revient sur le « vous êtes une
championne » que Céline retourne à la maman quand elle s'émerveille des
capacités de son bébé. Elle valorise ainsi la mère en appui sur les compétences
de son enfant. Pour Céline c'est l'observation attentive, avec une certaine
lenteur que génère l'observation selon E. Bick, qui permet la valorisation et
l’emboîtement dans les accompagnements.
Lyla se questionne sur l'arrivée des mères dans ce service,
qui les adresse ? Les mères sont adressées par l'obstétricien ou les sages-femmes
qu'elles voient en consultation à l'HFME. Les pédopsychiatres voient les mères
en consultations anté-natales. Céline, elle, arrive après la naissance et se
fait porte-parole du bébé. Les plus âgés qu'elle rencontre ont une vingtaine de
jour mais la moyenne est de 10-12 jours.
Mélanie évoque son expérience de stage en unité mère-bébé.
Elle n'avait pas été accompagnée par une psychomotricienne et avait été
confrontée à la violence dans le lien entre les mères et leurs bébés. Quelle
suite est ici pensée ? Comment ça se passe quand l'accompagnement
s'arrête ? Céline intervient dans le post-couche immédiat, les bébés ont
parfois moins de 2h. Elle doit renoncer à travailler les interactions précoces
en profondeur mais elle doit faire en sorte que la femme qu'elle accompagne se
sente mère de CE bébé là. Elle sème quelque chose qui aura le temps de germer
par la suite. Elle a aussi un temps de consultation une matinée par semaine
pendant lequel elle reçoit, à distance, les mères, les parents et leur bébé.
Elle peut les recevoir seule ou en co-consultation. Ces rencontres ont lieu 2 à
3 mois après le départ de la maternité mais il arrive que par la suite l'équipe
pense à des orientations de soin.
Marie s'interroge sur la place des pères dans tout ça.
Céline répond que pour faire un bébé il est nécessaire qu'il y ait un autre
mais que la fonction paternelle n'est pas obligatoirement tenue par le père,
l'homme. Céline voit souvent les femmes seules mais parfois il faut passer par
le père pour accéder à la mère et avoir ensuite accès au bébé.
Lyla rebondit en expliquant que ce que Céline décrit du
bain allongé est très féminin et se questionne sur le fait que les papas
puissent s'y retrouver. Céline explique que dans cet accompagnement, les
parents et les soignants sont plus dans l'observation que dans la transmission
de savoir et dans la co-parentalité. Les parents peuvent s'émerveiller des
compétences de leur enfant.
Natacha nous évoque par la suite le cas d'une patiente
qu'elle rencontre au CMP adulte. C'est une femme qu'elle rencontre lorsqu'elle
vient d'avoir son bébé. Ses deux enfants sont tous deux placés. La patiente
explique que lorsqu'elle a accouché de sa deuxième fille, elle a eu la
sensation de perdre également ses jambes. Elle fait l'hypothèse que cette femme
a besoin de la rencontrer dans ces périodes là car elle a besoin de prendre
appuis sur elle pour restaurer sa posture de femme, elle trouve en elle un
double, du même qui peut l'étayer dans son féminin. Elle qui se
« remplit » pour vivre son féminin, à travers ses grossesses, voit à
chaque fois ses bébés placés. Céline parle de certaines patientes qui ont des
référentiels féminins phalliques, des mères en position surmoïque, ce qui a
pour conséquence un féminin exprimé sur un versant séducteur qui ne peut
parfois pas laisser la place à un féminin maternel.
Mathieu reprend la question du double, lui rencontre
énormément de papas au sein de son poste en CMP. Ce sont eux qui accompagnent
leurs enfants à leurs séances et plus rarement les mamans.
Ce café a
été très riche en apports théoriques et cliniques mais aussi en échanges. Nous
avons pu voir à quel point la question du féminin, de la maternité, de
l'émergence de la relation a pu mettre au travail la pensée de chacun. Pour
continuer dans notre réflexion, nous vous proposons de nous retrouver le 5
février 2019, toujours au café de la cloche mais en compagnie de Sabine FRITIS
-ARCAYAS avec qui nous parlerons de sa clinique auprès de femmes en difficulté
dans leur tentative de grossesse qui ne parviennent pas à faire des enfants.
Nous vous
souhaitons une très bonne fin d'année à toutes et tous et de bonnes fêtes.
A
très vite.
Pour l'ARRCP,
Natacha Vignon et Lison Gilardot
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