Un aperçu du Café Psychomot' du 05 février 2019

Sabine Fritis Arcaya nous y
raconte avec images, détails et précisions dans sa clinique, son travail dans
son cabinet libéral auprès de femmes en difficultés pour devenir mères.
Nous l'écoutons, nous parler
de ce qui, pour elle, fait l'objet de ses thérapies psychomotrices. Sabine,
avec humour et sérieux nous dit d'emblée qu'elle ne se situe pas dans une
compréhension psychoaffective de l'infertilité et qu'elle reste prudente avec
les théories psychologiques et le classique « Vous avez un problème avec votre
mère ».
Quand un projet de bébé est en
panne, le mythe ou la légende se place pour tenter de comprendre. Trouver un
coupable. Pour ces femmes, soi même est le coupable idéal. L'entourage vient
souvent donner son explication en
voulant aider. Dans un article publié en 2012 dans Thérapie Psychomotrices et
Recherches, elle écrit de manière théâtralisée, tel un dialogue, les mots mis
par l'entourage. - tu y penses trop – finis ta maison et ça viendra- etc...
Pour Sabine la fertilité est
une histoire multiple, mélange de physiologie, d'anatomie et de contextes
personnels.
Se mêlent pour la femme
identité, maternité et féminité, tout comme chez l'homme identité, masculinité
et virilité.
Elle nous rappelle que pour
ces femmes qui arrivent dans son cabinet, rien ne compte plus que l'enfant
absent quand on est une femme au ventre vide. Il y a beaucoup de solitude et de
souffrance.
Les traitements de PMA sont
lourds et ont de nombreux effets secondaires corporels (tension, mal de dos,
mal digestif, troubles de l'appétit...). Le corps devient objet de soin de la
science. Les espoirs alternent avec les désespoirs.
La thérapie psychomotrice
permet d'accompagner cette période de vie qui malmène ces femmes, ces couples.
Sabine précise d'emblée
l'objet du travail, à savoir : « retrouver des ressources en soi et se
réapproprier son corps et ses projets » pour ne pas participer de l'espoir
(et du désespoir) et permettre à ses patientes de faire un pas de côté par
rapport à l'attente de tomber enceintes.
Son cadre est fait d'un temps
de parole et de mise en situation corporelle. Elle peut recevoir les patientes
en individuel, petit groupe et parfois en couple.
Sabine possède dans sa boîte
de nombreux outils : travail sur l'axe, sur la régulation tonique (Feldenkreis,
Eutonie), sur les manifestations émotionnelles (relaxation, empaquetage, mise
en trace par la terre, le dessin), sur l'espace (conscience de la proxémie),
sur la relation au corps de l'autre (se poser, s'opposer, défendre son
territoire), sur le schéma corporel , la prise de conscience de la cage
thoracique et du bassin (mouvements, cycles, rythmes), sur la créativité
(danse, travail vocal, peinture).
Elle peut utiliser des
planches anatomiques, des images pour aider à se faire des repères avant qu'au
fil du temps, le travail s'affine et aille vers un schéma corporel plus intime.
Depuis peu, elle a rajouté
l'hypnose dans sa boîte à outils.
Toutes ces expériences
corporelles visent à proposer un temps pour soi, pour s'accepter, rire, à ces
femmes qui se trouvent dans une période de discontinuité de leurs différentes
identités (elle, la petite fille en elle, la femme, la femme de).
Sabine nous rappelle encore
que pour ces femmes, c'est déjà tout un programme de s'occuper de soi et le
parcours de l'infertilité est souvent celui du combattant.
L'article qu'elle nous a
proposé en lecture permet de se rendre compte de toutes les étapes allant du
traitement de stimulation ovarienne, à la réimplantation des embryons pour la
FIV, en passant par l’insémination artificielle. Avec humour, et il en faut
bien, Sabine nous refait le parcours.
Cela donnera lieu à des
premiers échanges avec les participants du café :
Des questions/échanges sur le
nombre de FIV autorisées en France (4 remboursées jusqu'au 43ème anniversaire
seulement).
Des questions sur les
consultations des hommes infertiles, qui auraient moins besoin d'aller voir
quelqu'un.
Des questions sur la
législation qui cadre la PMA et les éthiques des lieux de soins qui prônent de
plus en plus la réimplantation d'un seul embryon.
Les échanges seront multiples
sur les procédés de la PMA, la GPA, l'éthique, la législation, le cadre de soin
psychomoteur, l'élite des gynécologues (« ceux qui donnent la vie »)
et leurs idéaux de réussite, le gros travail de Sabine quand elle s'est installée
pour aller à la rencontre des gynécologues et se faire connaître et
reconnaître...
Le temps file et Sabine passe
à la clinique d'une de ces patientes, qu'elle nomme Annabelle.
Annabelle arrive au cabinet.
C'est une collègue de collègue.
Elle a déjà eu des traitements
de stimulation ovarienne et des FIV.
Elle veut « mettre un
coup de pied dans la fourmilière mais pas dans son entourage ».
Sabine comprend assez vite
qu'Annabelle prend beaucoup de choses en charge. Elle décrit des sentiments de
peur et de dégoût dans sa sexualité et fait des demandes paradoxales à son
conjoint.
Elle a une
représentation : la maternité lui est essentielle pour se sentir femme.
Sabine parcoure avec nous son
carnet de notes des différentes et nombreuses expérimentations qu'elle aura
proposées à Annabelle.
On est plongés au cœur du
travail psychomoteur :
*travail sur le tonus, des
exercices sophrodynamiques, auto-massages
*situations de
relaxation/régression pour qu'elle puisse se laisser aller à être dans les
mains de l'autre
*travail du bassin (l'horloge
de Feldenkreis)
A ce moment là de la thérapie,
la question du dégoût dans la sexualité se parle et Annabelle associe avec un
petit garçon dont la sœur était morte et dont la mère était la nounou d'Annabelle.
Elle parle à Sabine d'un
trouble qu'elle ressent dans son corps quand elle recroise maintenant cet homme
(le petit garçon de son souvenir).
Sabine propose alors un
travail qu'elle qualifie avec nous de plus théorique sur les mécanismes de
défense, l'analyse transactionnelle, la communication non violente pour fournir
à Annabelle des appuis pour élaborer et des aides pour formuler avec moins de
virulence ses ressentis à son entourage.
*la colère peut arriver dans
les séances et le travail corporel s'oriente sur la défense du territoire.
On voit bien dans la
présentation de Sabine qu'elle essaie de rencontrer cette patiente par des
aspects bien différents et qu'elle lui fait des propositions au plus près de ce
qu'elle perçoit.
Jusqu'à un travail « de fin de
thérapie » qui consiste, à l'aide de l'image des pourcentages de proposer
un exercice corporel où Sabine s'occupe d'Annabelle à 100%, puis elles sont à
50/50 pour arriver à « tu n'as plus besoin de moi ».
Le travail d'hypnose qui
clôture la thérapie sera une sphère contenant tout ce qui aura été travaillé.
Dans toute cette histoire
Annabelle sera tombée enceinte, aura fait une fausse couche, sera allée se
faire implanter en Espagne ce qui n'aura pas fonctionné.
Nous n'aurons pas le temps
pour une deuxième situation clinique afin de permettre des échanges et
réflexions avec les participants.
Je dis à Sabine que tout ce
qu'elle évoque me fait penser à une transmission du féminin, par le jeu de
l'identification.
Emmanuelle met en avant
l'impression d'une parole qui vient se découvrir et Sabine de souligner
l'articulation entre s'éprouver, se ressentir et se penser.
Cécile pointe qu'à cette
thématique de la fertilité est associée celle de la sexualité et que ça n'est
probablement pas si simple de venir bousculer ces défenses là quand, dans le
fantasme, c'est le corps médical qui viendrait enfanter le corps de ces femmes.
Sabine nous dit aussi que
pendant sa thérapie psychomotrice, Annabelle a aussi quitté son travail de
secrétaire médicale, qui la faisait se sentir le larbin de l'autre, pour
entamer une formation de management. Elle est devenue le bras droit d'un
associé, mobilisant une part plus active, moins subie et plus forte d'elle.
La place de la créativité pour
sublimer, transformer est aussi reprise par une participante dont je n'ai pas
le prénom (pardon). Sabine précise que cela n'est pas énoncé car ces femmes
sont souvent déjà beaucoup blessées par des images, des métaphores sur la
création du genre « c'est ton bébé cette maison »
Martin se dit impressionné par
la description de Sabine de son travail de psychomotricité. Il la questionne
sur l'aspect psychothérapique de son approche et sur les réaménagements des
défenses qui amèneraient les patientes à agir, à changer des choses dans leur
vie.
Une conflictualité saine
s'ouvre dans nos échanges entre ce qui est mobilisé en thérapie et ce que le
patient décidera d'en faire qui ne nous appartient pas.
Sabine rappelle que c'est
inscrit d'emblée dans son cadre « vous venez faire une thérapie
psychomotrice ». « Il y a donc à contenir et à garder la tête
tiède ».
Un grand merci à Sabine pour
la qualité de son intervention, au « Comptoir de Béline » pour son
soutien et sa curiosité pour notre soirée et nos échanges, ainsi qu'à tous les
participant-e-s.
Natacha Vignon pour l'ARRCP
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