L'Association de Réflexion et de Recherche Clinique en Psychomotricité de Lyon et sa Région vise à promouvoir la recherche clinique en psychomotricité par divers moyens notamment : l’organisation de séminaires, colloques, groupes de réflexion. Soutenir des projets individuels ou collectifs de recherche sur la clinique psychomotrice, favoriser et/ou rechercher la collaboration avec des structures à même d’apporter une contribution directe ou indirecte au but poursuivi par l’association et tout particulièrement avec l’Institut de Formation en Psychomotricité de Lyon.
Elle s’adresse à tout psychomotricien désireux d’engager un travail d’approfondissement théorico-clinique, quel que soit son champ d’exercice professionnel ou son référentiel théorique et clinique.
Susciter les échanges, favoriser le débat entre psychomotriciens, soutenir la réflexion et la recherche à propos de la pratique, telles sont les ambitions de l’ARRCP Lyon et région. Dans cet objectif, l’association mise sur l’engagement de ses membres dans une démarche qui consiste à se confronter aux difficultés et aux doutes rencontrés dans la clinique, à approfondir ses intuitions cliniques, à les arrimer à des concepts théoriques, à transmettre et discuter les résultats de ses travaux.

mardi 10 mars 2015

Un aperçu du Café psychomot’ du mardi 28 avril 2015


Dans la continuité de notre thématique annuelle, la temporalité en psychomotricité, c’est aujourd’hui Aran Heres qui a orchestré d’une main de maître notre rencontre. Nous étions une vingtaine de psychomotriciens réunis autour d’elle, au Mondrian.

Aran s’est tout d’abord présentée à nous, avec un premier statut professionnel d’institutrice, en Espagne, et déjà un intérêt pour la psychomotricité. Mais la formation n’existait pas encore en Espagne. C’est en émigrant en France qu’Aran intègre l’ISTR de Lyon et devient psychomotricienne. Elle travaille depuis à la Fondation Richard, sur les traces de Mademoiselle Fauvel dont le piano occupe toujours une place centrale dans la salle de psychomotricité.

La Fondation Richard a évolué ces dernières décennies. Accueillant autrefois des enfants infirmes moteurs cérébraux et des enfants myopathes, aujourd’hui elle reçoit de plus en plus d’enfants et d’adolescents cérébrolésés qui vivent un vécu de rupture suite à un trauma. (Il y a l’avant-trauma et l’après.)

Du fait de l’évolution de la population accueillie, du fait du matériel de psychorythmie présent dans l’institution, et au vu de son histoire personnelle faite de musique et de rythmes, Aran pense le dispositif du « Batucada » pour un groupe de 4 à 6 jeunes cérébrolésés souffrant d’une discontinuité d’existence, en lutte contre un vide important. Elle construit ce dispositif en nous expliquant comment.

1. Trois hypothèses fondatrices :
Le rythme « borde » le temps, le contient avec tendresse. Il tempère l’« angoisse de catastrophe » des jeunes, et les ouvre à l’expérience de l’intersubjectivité.
Le rythme fait référence à l’archaïque  et à l’intime. « La vibration rend le sujet existant là. », nous dit Aran. Elle s’appuie entre autres sur les travaux d’Agnès Lauras-Petit. Pour elle, le rythme « peut assurer notre sécurité de base… permet l’anticipation de l’absence… L’attente constitue le désir ». Aran s’étaye sur bien d’autres auteurs : la poétesse Andrée Chédid, mais aussi Daniel Marcelli, Bernard Golse, Simone Korff-Sausse, Victor Guerra, Carlos Liscano et Hélène Oppenheim-Gluckman…
« Le rythme remet de l’ordre dans la vie motrice, mais aussi dans la vie perceptive et émotionnelle. » Les lésions cérébrales ont des conséquences motrices dévastatrices sur le plan narcissique. Le Batucada permet une réappropriation du corps qui devient accordable à l’autre, entrainant satisfaction et retour sur soi positif. Le partage est moteur, émotionnel et psychique.
Le groupe Batucada accueille, contient et transforme le matériel brut apporté.
Accueillir, c’est ne pas rejeter le matériel brut qui est amené, lui donner une forme partageable.
Contenir : le rythme contient l’agressivité et borde le temps. On y dépose au-dedans ce qui déborde au dehors.
Transformer : dans des conditions de sécurité, se dépose dans le groupe un matériel qui  constitue en quelque sorte la matière première à partir de laquelle va devoir s’effectuer le travail  de transformation. Ce qui était expression brute, non conscientisée va peu à peu s’affiner par la meilleure maitrise gestuelle et émotionnelle.
Cette expression devenue partageable va faire l’objet d’une activité de co-penser.
Les rythmes frappés, accompagnés d’onomatopées, mènent à la métaphore et à la rêverie.
Comme le dit Oliver Sacks, le rythme est essentiel à la socialisation.

2. Le dispositif du « Batucada » :
La cadre a valeur organisatrice, dans la répétition hebdomadaire des rencontres, d’une durée d’une heure.

Aran co-anime le groupe une orthophoniste, s’étayant l’une et l’autre. Une stagiaire psychomotricienne participe au groupe, et son rôle se précise plus dans l’observation et la narration d’après-coup.

Les thérapeutes et les patients sont assis en cercle autour du tambour.

Le Batucada est un groupe fermé. Les indications sont faites par le médecin responsable. La plupart des patients évoluent sur deux années scolaires dans le groupe qui souvent se renouvelle entièrement passé ce délai.

Il y a une exigence de régularité de présence. Aran nous précise : « La psychomotricité est une thérapie de la présence ».

Le déroulement temporel d’une séance :
Après d’un temps d’accueil durant lequel le groupe prend des nouvelles de chacun, il y a le cri du début (un «Batucada» commun suivi de la signature rythmique de chacun)
Puis suit le moment d’écoute d’une musique de leur choix que les jeunes amènent de chez eux. Cette écoute exige tout d’abord le silence et le respect des autres. Puis cette musique devient le support d’improvisations rythmiques et permet parfois la constitution de duos, ou bien un rythme de fond sur lequel se dégage un solo, comme dans un groupe de jazz.
Aran propose ensuite un jeu rythmique (jeu du 1, 2, 3 ou le jeu du chef d’orchestre, le jeu du perturbateur ou le jeu de question-réponse…) Ce moment de jeu est un temps de transformation du brut vers la nuance. Le jeu transforme l’expression abrupte en une histoire partageable et "co-pensée".
Le cri de la fin.

Et le débat aurait nécessité un temps de rencontre encore plus long, s’ouvrant dans des directions multiples. Parmi elles, je vous laisse en découvrir quelques-unes :

Cécile associe avec les travaux de Leroi-Gourhan, disant que la base commune du social est le rythme propre à chacun. Le rythme centralise toutes les modalités sensorielles.
Je reprends pour ma part le projet de renarcissisation d’Aran médiatisé par le Batucada. Si la peau du Batucada, bien entretenue de tous pourrait être une métaphore du miroir aquatique de Narcisse, l’acoustique de l’expression rythmique nous renvoie aussi à Echo dans la mythologie grecque.
Pascale commente le rôle d’Aran au sein du groupe, tel les chefs du Batucada, au Brésil, dans une attitude presque militaire, une rigidité qui autorise l’expression libre.
Et Denis de nous dire : « Pour moi, le rythme est un combat. Ce n’est pas une donnée en soi. »

Et oui Aran, si toi tu es « tombée dedans » quand tu étais petite, pour d’autres parmi nous, la médiation rythmique n’est pas si aisée !… Mais ce soir, tu as su nous communiquer cet essentiel qu’est le rythme pour toi, et comment à partir de lui tu soignes les jeunes que tu reçois en tant que psychomotricienne. Merci à toi.

Odile Gaucher

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